Les peuples africains et leurs diasporas portent depuis des siècles le poids d’injustices historiques significatives: traite transatlantique, exploitation coloniale, accaparement des ressources et marginalisation dans l’architecture économique mondiale. Face à ce constat, l’Union Africaine intensifie son appel en faveur d’une justice réparatrice, exhortant la communauté internationale à faire face à l’héritage économique de l’esclavage et du colonialisme et à y remédier.
L’Union africaine place la justice réparatrice au centre de ses priorités en 2025, avec pour thème de l’année : « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine grâce aux réparations ». Une orientation stratégique qui reflète une mobilisation croissante sur le continent à travers la société civile et dans la diaspora pour réclamer des réparations tangibles liées à l’esclavage, la colonisation et la spoliation économique.
«La société civile est au centre de ce processus. Nous ne sommes pas sur la touche. Nous ne quémandons pas cet espace. C’est nous qui sommes à l’origine des changements dont notre continent a besoin pour réaliser la devise de l’Union africaine, à savoir « l’Afrique que nous voulons .»
William Carew, Directeur du Secrétariat de l’ECOSOCC
Du 7 au 9 juillet 2025, à Malabo, en Guinée équatoriale, le Forum de la société civile de l’UA, organisé par l’ECOSOCC, a lancé un appel fort : mettre fin à l’impunité historique et obtenir des compensations concrètes. Une exigence qui s’inscrit dans la lignée du sommet d’Accra en 2023, où le président ghanéen Nana Akufo-Addo appelait déjà les dirigeants africains à s’unir pour exiger justice.
«Je pense qu’il est très important de ne pas voir l’aspect financier de l’Afrique plus que l’aspect justice, car les Africains subissent des injustices depuis très, très longtemps. Nous ne sommes pas représentés dans de nombreux comités des Nations unies comme nous devrions l’être. Il s’agit donc d’une autre dimension sur laquelle nous devons vraiment délibérer et discuter de la manière dont l’Afrique peut participer activement et efficacement à toutes les entités des Nations unies, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies.»
Salah Hammad, Directeur de l’Architecture africaine de la Gouvernance (AGA-APSA)
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Un rapport publié en 2023 par des experts internationaux, dont le juge de la Cour internationale de justice Patrick Robinson, estime que le Royaume-Uni devrait verser plus de 24 000 milliards de dollars à 14 nations africaines. D’autres estimations placent le coût total global des réparations coloniales et esclavagistes à plus de 100 000 milliards de dollars. Rien qu’aux États-Unis, le travail forcé des Afro-descendants représente une dette morale et économique évaluée à 14 000 milliards de dollars.
«L’Afrique devrait adhérer pleinement aux principes de la transition vers la justice selon des modalités adaptées à notre contexte et à notre peuple. Je le répète, pour notre propre contexte et pour notre peuple, nos amis, nos collègues. Alors que ce forum s’achève, notre travail ne fait que commencer. Ce dont nous avons discuté ici doit maintenant retourner avec nous dans notre organisation, dans nos circonscriptions, dans nos communautés et dans nos pays. Ces conversations doivent se poursuivre, mais plus important encore, elles doivent mener à des actions concrètes.»
William Carew, Directeur du Secrétariat de l’ECOSOCC
Face aux lenteurs des anciennes puissances coloniales, des voix africaines comme celle de Dominique Yamb Ntimba appellent à une stratégie panafricaine coordonnée. Objectif : instaurer un mécanisme continental pour peser dans les négociations internationales et garantir des réparations adaptées aux réalités africaines.