En Afrique, de plus en plus d’États veulent maîtriser leurs données statistiques. L’objectif est d’assurer une production, une gestion et une diffusion autonomes des informations cruciales pour le développement, la planification publique et les décisions stratégiques. Cela implique de renforcer les instituts nationaux de statistique, de créer des infrastructures de stockage locales et d’établir des cadres juridiques appropriés.
Selon la Commission économique pour l’Afrique, les données statistiques fiables sont essentielles pour des décisions éclairées, le suivi des progrès vers les objectifs de développement comme l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063. A cet effet, une meilleure gestion des données administratives est vitale pour la sécurité nationale et le développement socio-économique. À l’heure où les flux de données sont un enjeu géopolitique majeur, les nations africaines visent à reprendre le contrôle de leur souveraineté numérique.
“ L’idée est d’intégrer ces données de manière progressive et durable, afin d’améliorer la statistique officielle, de soutenir les politiques publiques en faveur du développement national, et de contribuer à la réalisation des Objectifs de développement durable.”
Jamal Azizi, Directeur général de la Statistique et de la Comptabilité Nationale –
La souveraineté des données implique qu’un État ait la capacité de gérer, sécuriser et encadrer les informations sur son territoire ou via ses infrastructures. Cela se traduit par des politiques de protection des citoyens, incluant des lois pour les transferts de données transfrontaliers, afin d’assurer confidentialité, sécurité et droits numériques. C’est ainsi que le Nigeria a légiféré en 2023 pour imposer aux institutions publiques le stockage de leurs données sensibles dans des serveurs nationaux.
“ Il y a quelques années, les données administratives n’occupaient pas la place qu’elles ont aujourd’hui. Vu la situation actuelle à l’échelle mondiale, marquée par des financements de moins en moins stables, et sachant que les enquêtes et les recensements coûtent très cher, les données administratives jouent désormais un rôle essentiel.”
Jean-Pierre Ntezimana, Conseiller principal en statistiques – Suède
Plusieurs pays africains mettent en œuvre ces principes. Le Sénégal, avec son programme « Sénégal numérique 2025 », a ainsi amélioré ses infrastructures d’hébergement de données nationales. Ces actions s’inscrivent dans une ambition de construire des infrastructures numériques souveraines par l’innovation, la recherche locale et l’établissement de centres de données stratégiques.
“ Les statistiques permettent de décrire et de mesurer une situation. Ainsi, leur absence peut entraîner d’importantes pertes pour les pays, car les investisseurs hésitent à s’engager lorsqu’ils manquent de visibilité sur la situation.”
Gaoussou Mariko, Spécialiste en Microfinance – Mali
À l’échelle continentale, l’Union africaine appuie cette évolution avec des initiatives clés, comme la Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique (2020-2030). Cependant, des obstacles majeurs persistent. Fin 2020, l’Afrique ne comptait que 1,3 % de la capacité mondiale de centres de données, principalement en Afrique du Sud. L’Association africaine des data centers (ADCA) a estimé en 2021 que 700 nouveaux centres seraient nécessaires pour rattraper ce retard.