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African Union Journal – l’Interview : Denis Sassou Nguesso, Président de la République du Congo

Le Président Denis SASSOU NGUESSO, un leader des plus influent du continent est notre invité de cette édition spéciale du 35ème Sommet de l’Union Africaine. Il partage sa vision du développement du continent, les enjeux géostratégiques dans la perspective du sommet Europe-Afrique 2022, son plaidoyer dans la matérialisation de la zone de libre-échange et les infrastructures et l’industrialisation de l’Afrique. Bienvenue dans cette interview exclusive Monsieur le Président

1. Le thème de ce sommet est « Renforcer la résilience dans la nutrition sur le continent africain : accélérer le développement du Capital Humain, social et économique. Quelles réflexions vous inspire ce thème pour l’Afrique et pour votre action dans votre pays le Congo en particulier ?

Il s’agit d’un thème très important pour l’Afrique, un thème pertinent. L’Afrique doit être en mesure de nourrir ses enfants, d’assurer leur santé et l’éducation les filles et fils pour qu’ils soient aptes à amener l’Afrique vers le développement. L’Afrique a des ressources naturelles immenses. S’agissant de l’agriculture, l’Afrique à les terres abondantes, elle a de l’eau, le soleil, des ressources humaines et une population jeune.
L’Afrique a également la capacité de développer l’agriculture en utilisant sa main-d’œuvre jeune au lieu que ces derniers migrent pour aller trouver la mort dans le désert et la méditerranée. Je crois que les dirigeants africains ont déjà pris conscience de cette réalité et dans plusieurs pays d’Afrique, les dispositions sont prises pour que l’Afrique développe l’agriculture. C’est tout un creuset de main d’œuvre, des emplois par millions pour la jeunesse africaine. S’agissant de mon pays, nous venons d’adopter le plan 2022 – 2026. Le problème de l’agriculture est au centre de ce plan. C’est d’ailleurs le noyau dur de ce plan. Je crois qu’au cours de ces 5 prochaines années, nous allons mobiliser des ressources importantes qui seront affectées au développement agricole. Nous avons déjà commencé cette année et nous pensons que nous atteindrons cet objectif-là. Nous voyons ici qu’en Afrique, les dirigeants s’orientent dans cette direction-là, qui est effectivement la base du développement de l’Afrique : le développement de l’agriculture et de l’agro-industrie. Nous avons espoirs.

2. L’Afrique vient de traverser la pandémie de la COVID19 en faisant preuve d’une très forte résilience et en se redécouvrant des capacités de résistance. Quelles leçons tirez-vous de cette crise et quels sont les arguments pour assurer une solide relance économique du continent ?

Au début de cette pandémie, les oiseaux de mauvais augure avaient annoncé le déclin de l’Afrique, que ce serait la catastrophe, qu’il y aurait des changements politiques et que ce serait le désastre. Il est évident que l’Afrique a beaucoup souffert de cette pandémie sur le plan sanitaire, économique et financier. Mais comme vous l’avez dit vous-même, les peuples africains ont fait preuve de résilience face à cette pandémie. Il y a eu des confinements et des décisions diverses qui ont été prises par les dirigeants et les peuples ont suivi et ont résisté. Seulement, l’Afrique n’est pas seule dans le monde. Elle partage cette terre avec d’autres peuples, notamment les pays qui sont développés plus que l’Afrique. Au moment où il faut affronter cette pandémie, les pays développés n’affichent pas la solidarité attendue. Certains pays ont déjà vacciné leur peuple à 70% et l’Afrique peine à atteindre les 10%. D’autres pays réalisent les stocks de matériel de protection et les vaccins et l’Afrique est abandonnée. Nous pensons que le moment est venu pour que l’Afrique pense à la production de ces vaccins. Il y a des pays qui ont lancé l’initiative comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Sénégal, le Rwanda et d’autres oui, il va falloir que nous produisions les vaccins et que les industries pharmaceutiques soient installées en Afrique. Cette décision a déjà été prise au sein de l’UA, nous allons nous engager. Mais il y a le fait que sur le plan économique, l’Afrique doit aussi sortir de la crise. On voit des États qui ont décidé de mobiliser 750 milliards d’euros pour sortir les pays de l’Union européenne de la crise. Les Etats-Unis ont peut-être mobilisé 1900 milliards USD pour le même but. Mais en Afrique, on a à peine obtenu 33 milliards USD de DTS pour toute l’Afrique. On nous en promet 100 milliards, on espère qu’on les aura. Mais il faut que l’Afrique mutualise ses efforts, il faut pouvoir emprunter à des taux confessionnels que nous ne pouvons pas avoir, pourtant, nous avons besoin de ces investissements pour sortir de cette crise économique. Peut-être que les états devraient se mettre ensemble pour tenter de rechercher leurs prêts. L’UE et les Etats se sont mis ensemble pour mobiliser les 750 mille euros, mais nous n’aurons pas le choix. 

3. Vous présidez le comité de haut-Niveau de l’Union Africaine sur la Libye. Après plusieurs étapes, vous avez su ramener les protagonistes à accepter la notion démocratique à travers une élection Présidentielle. Quel bilan faites-vous de votre mission ? Quelles sont les perspectives de stabilité et d’unification possible pour la Libye au terme de cette élection Présidentielle ?

Nous ne sommes pas à l’heure du bilan. La situation libyenne est une situation complexe, la crise est complexe. Nous venons de faire le sommet et une proposition concrète, le sommet prendra une décision pour que cette proposition soit mise en œuvre. Nous pensons qu’avant les élections générales en Libye, nous devons passer par une réconciliation inter libyenne inclusive. Nous croyons que les fils et les filles de Libye sont capables de ce sursaut, se parler et se pardonner afin de penser à l’avenir du pays. C’est la proposition que nous faisons à l’Union africaine, d’organiser dans les délais les plus courts, une conférence de réconciliation inter libyenne. Cette conférence si elle se tient avant la tenue des élections générales en Libye, on pourra connaître quelques avancées.

4. Au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, la transition démocratique en Afrique vient de subir l’épreuve des coups d’Etats. Comment expliquez-vous une telle situation ? Quelles sont les solutions face à ce nouveau challenge de l’évolution institutionnelle et du modèle de transition démocratique dans nos pays ?

Je crois que nous sommes en train de connaître un recul de la démocratie en Afrique. C’est un long processus, prenons un exemple, en France, la révolution s’est posée en 1789 les femmes ont voté après la 2ème guerre mondiale, pourtant durant toutes ces périodes, on parlait de démocratie, de liberté d’égalité. C’est un long processus, nous pensons que ce processus va connaître des hauts et des bas. Les coups d’Etat dont vous parlez sont un recul, l’Afrique avait marqué quelques pas en avant, mais là, on est en train de connaître un recul. Il faut que l’on surmonte cela pour poursuivre dans la voie de la démocratie. Les pays dont vous parlez sont les pays en crise, il y a le terrorisme dans ces pays, les difficultés économiques et financières. À cause de ces difficultés, ces pays devraient avoir des institutions fortes en liaison avec des armées organisées et le peuple. Ils ont besoin d’unité et non de crises qui affaiblissent les capacités de lutte de ces pays, face au terrorisme. Je pense que ce recul va être rapidement surmonté par les peuples de ces pays, pour que l’on revienne au processus démocratique des institutions fortes, des armées solides qui obéissent aux institutions politiques. Il ne peut pas y avoir de confusion, il y a les institutions politiques, il y a les instruments de défense des pays et des peuples. Je pense que tout devrait être mis en œuvre, l’Afrique devrait aider ces pays à revenir à la normale.

5. Le Sommet Union Africaine – Union européenne 2022 arrive à une période charnière de la relation de l’Afrique avec l’Europe. Quelles sont vos attentes sur le plan politique, économique, et social ?

Personnellement, j’ai déjà pris part à trois sommets de l’Union européenne et de l’Afrique. Le premier était à Bruxelles, le deuxième à Lisbonne, le troisième à Abidjan, bientôt, ce sera le quatrième à Bruxelles. Au cours de ces sommets, on dit pratiquement la même chose, mais pas d’avancer, on décrit les mêmes problèmes, on énonce les mêmes principes, mais il n’y a pas d’avancée. Peut-être devrions-nous faire le pas décisif, on a vu que les accords de partenariat économiques avec l’Union européenne et avec l’Afrique patinent, on n’y arrive pas. Sommes-nous bloqués par des pesanteurs coloniales ou néocoloniales, c’est possible. Mais il faut sortir de ce carcan, sortir des schémas coloniaux pour un réel partenariat entre l’Europe et l’Afrique. Si l’Afrique était vraiment développée, les jeunes qui meurent dans le désert de Libye seraient restés en Afrique. L’Europe n’aurait pas tant peur des migrations qui sont au centre des grands débats politiques. D’ailleurs, certains pays sont en train de construire des murs aux frontières.
L’Europe est historiquement et géographiquement le continent le plus proche de l’Afrique ; Gibraltar, c’est peut-être à 15 km de l’Afrique. Les langues aussi sont communes, nous en utilisons une, en Europe, les pays comme la France, le Portugal, l’Italie, l’Espagne, même l’Allemagne ont eu des colonies en Afrique. Comment briser cela pour aller vers un réel partenariat gagnant-gagnant ? Je crois que l’Europe gagnerait à avoir une Afrique développée à ses portes. Les échanges que l’Europe réalise avec l’Amérique, c’est parce que l’Amérique est très développée, les échanges sont très importants. Les mêmes échanges importants pourraient se faire entre l’Europe et l’Afrique et chacun trouvera son compte. Peut-être sortirons-nous du carcan colonial pour bâtir un réel partenariat gagnant-gagnant entre l’Europe et l’Afrique. C’est ce que nous allons voir au prochain sommet.

6. Vous êtes un leader dans le plaidoyer pour la réalisation de la Zone de Libre Échange Continentale Africaine. Quelles sont désormais les perspectives pour l’Afrique avec la matérialisation de la ZLECAF ?

La décision prise par l’Union africaine, au sujet de la Zone de libre-échange continentale est une décision historique stratégique très importante. Depuis les indépendances, en dehors des décisions qui ont été prises pour libérer politiquement le continent, c’est la première décision importante. Il va falloir réussir la mise œuvre. Mais comment organiser le commerce intra africain, en l’absence d’infrastructure de base, de transport, de communication et d’énergie. Ce n’est pas possible qu’on organise le commerce dans ces conditions. Il fût il moment (nous sommes en train de briser cela.) où le Congo n’avait aucune communication avec les voisins. Pas de communication avec le Gabon, ni chemins de fer, ni routes, ni transport fluvial, ni même aériens. La même situation avec le Cameroun : ni chemins de fer, ni routes, ni transport fluvial, ni même aériens. Avec la République Centrafricaine (RCA), c’est la même chose. Dieu a peut-être donné le fleuve Oubangui, qui n’est navigable que 6 mois sur 12. Voilà le tableau, le Congo coupé de tous les voisins. Quel commerce peut-on organiser dans ces conditions ? Ces derniers temps, des efforts ont été fournis. Nous avons réussi à réaliser une liaison terrestre avec le Cameroun, le Gabon par Franceville, on est en train d’en construire une autre toujours avec le Gabon, mais par Ndende et on a le projet avec la RDC. Il s’agit de la construction du pont route-rail sur le fleuve Congo qui est d’ailleurs très avancé. Le projet de la boucle énergétique avec la République démocratique du Congo (RDC), production de l’électricité à Pointe-Noire, transport de cette électricité via Inga jusqu’aux zones minières du Katanga.
Nous venons de décider d’un ensemble de projet d’intégration, nous lançons en ce moment le corridor 13 : construction de la route Brazzaville, Bangui – N’Djamena, il y a également le projet d’interconnexion avec le Gabon, le Cameroun, c’est déjà fait ainsi qu’avec la RCA.
Sans ces infrastructures de communication, je ne vois pas comment on pourrait sérieusement lancer la zone de libre-échange continentale africaine. Comme vous le savez, la réalisation de ces infrastructures a un coût considérable, surtout en Afrique centrale où il y a des grands fleuves, des forêts, des zones inondées quelques montagnes, vous ne pouvez pas imaginer à quel prix on doit réaliser ces infrastructures, pourtant, il nous les faut. Comment obtenir des financements confessionnels ? Comment l’Afrique peut-elle mobiliser les financements pour la réalisation de ses infrastructures qui sont indispensables au développement de la ZLECAF ? C’est un défi et nous sommes condamnés à le relever.

7. Le développement de l’Afrique est freiné par son manque d’infrastructures, une industrialisation déséquilibrée et une dépendance très forte à l’investissement international. Comment franchir ces écueils qui entravent une réelle indépendance économique de notre continent ?

Nous avons écouté le rapport du président NANA du Ghana, sur la mise en place d’institutions financières africaines. Nous serons certainement obligés de passer par la mise en place des banques centrales africaines, des banques d’investissements pour l’Afrique. On dira qu’on a la Banque Africaine de Développement, mais cela n’est pas suffisant. Il faut que l’Afrique passe par la mise en place d’institutions africaines, des banques d’investissements pour l’Afrique. Ce dossier est sur la table d’Union Africaine.

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