Le changement climatique bouleverse déjà la ceinture cacaoyère d’Afrique de l’Ouest : sécheresses plus longues, pluies irrégulières et chaleur accrue menacent les vergers ivoiriens et ghanéens, faisant chuter la récolte mondiale à 4,45 Mt en 2024/25. Pourtant, des modèles 2025 prédisent jusqu’à +60 % de rendement à l’Est (Nigeria, Cameroun) si l’on combine agroforesterie, engrais et variétés tolérantes au stress hydrique.
Le changement climatique redessine déjà la ceinture cacaoyère ouest‑africaine. Selon la dernière synthèse statistique de l’ICCO, la production mondiale pourrait reculer à 4,45 Milliards de tonnes en 2024/25, soit –10 % en deux campagnes, dominée par la Côte d’Ivoire et le Ghana qui représentent 60% de la production mondiale. En effet, les deux pays subissent ces dernières années une succession de saisons plus chaudes et plus sèches qui réduisent la disponibilité hydrique durant la saison des pluies.
“C’est une conséquence du changement climatique ou de l’augmentation de la variabilité météorologique. Si vous regardez les observations météorologiques des tous derniers mois, et en particulier entre mai et août 2023, les précipitations ont été supérieures à la moyenne pour la période qui suit. Il s’agit là d’un facteur clé des maladies fongiques, ce qui a fait chuter la production en Côte d’Ivoire et au Ghana au cours de cette période. Ce sont les problèmes saisonniers, à savoir la pourriture brune. Pour lutter contre cela, il faut appliquer des fongicides pendant la période de fortes pluies, car lorsque l’humidité est trop importante, cela déclenche la pourriture brune. Des images montrent que certains agriculteurs ont perdu de 50 à 60 % de leur production à cause de cette maladie.”
Fuad Abubakar Mohammed, Directeur Ghana marketing company – Ghana
En Côte d’Ivoire, premier producteur de Cacao, le ministère de l’Agriculture table sur 1,80 Milliards de tonnes pour 2024/25, à peine au‑dessus des 1,76 Mt historiques de la campagne précédente, elle‑même déjà en baisse de 24 % par rapport au pic de 2,3 Milliards de tonnes de 2022/23. L’adoption de l’agroforesterie et le renouvellement de vergers vieillissants sont désormais considérés comme prioritaires pour compenser la perte attendue de 27‑50 % de superficies cultivables d’ici 2060.
“Avant, au moins, il y avait les arbres, il y avait la forêt, tout ça. Il pleuvait dans les mois précis, mais actuellement, il y a plus de. Il y a plus d’arbres. Les arbres n’existent plus. Donc même au mois de juin, il pleut légèrement, actuellement, nous sommes en juillet, il ne pleut même pas. Donc cela tue les champs, les arbres ont besoin d’eau, et aujourd’hui ce n’est pas le cas, on observe les arbres qui jaunissent, les cacaoyers jaunissent”
Hervé, Planteur de cacao – Côte d’Ivoire
Les modèles climatiques de Wageningen University projettent cependant que la zone orientale (Nigeria, Cameroun) pourrait voir ses rendements grimper de 39‑60 % grâce à une meilleure répartition des pluies et à un effet dioxyde de carbone (CO₂) comme fertilisant, tandis que la Côte d’Ivoire ou le Ghana ne gagneraient que 30‑45 %. Le stress hydrique devient donc le paramètre critique ; les simulations montrent une baisse nette des précipitations en saison humide, partiellement compensée par des pluies plus régulières en saison sèche.
“Il faut protéger l’environnement. C’est essentiel. Il est essentiel de protéger notre environnement. Car si nous regardons la géographie de notre pays, la production de cacao se fait dans nos zones forestières. C’est donc là que la marge de manœuvre est la meilleure dans une situation où nous coupons nos forêts et pratiquons l’exploitation minière illégale, c’est certain. Cela aura un effet sur notre production en tant que pays. ”
Fiifi Boafo, Responsable des affaires publiques chez COCOBOD – Ghana
Pour convertir ce potentiel, les chercheurs soulignent qu’un apport raisonné d’engrais peut hisser les rendements de 40 %. À défaut d’irrigation coûteuse, l’ombre arborée, la diversification (bananier, manioc) et le déploiement de variétés plus tolérantes à la sécheresse s’imposent. Face à ces défis, la filière ouest‑africaine doit passer d’une logique d’extension à une intensification durable, seule voie pour préserver les six millions de moyens d’existence ivoiriens et maintenir la part africaine de 70 % du cacao mondial.