Quel rôle jouent les chefs religieux et traditionnels dans la consolidation de la paix, la prévention, la résolution des conflits et la lutte contre l’Afrique ? Avec 1 030 attaques terroristes enregistrées en 2021, le continent est devenue « le principal épicentre de l’activité djihadiste mondiale ». Face aux défis sécuritaires nationaux et sous régionaux de plus en plus persistants, à la diversité des menaces et au caractère imprévisible des actes terroristes, la contribution des autorités traditionnelles et leur collaboration avec les Forces de Défense et de Sécurité semble être une nécessité.
Ces vingt dernières années, l’activité terroriste s’est intensifiée en Afrique. Pour la seule année 2021, l’Observatoire international pour l’étude du terrorisme (IOTS) recense 1 030 attaques terroristes et 4 225 victimes du terrorisme. Pour la prévention des conflits et une lutte efficace contre un terrorisme en mutation permanente et aux multiples facettes, une meilleure implications des leaders traditionnels apparaît, de l’avis de plusieurs experts, comme une nécessité.
La tradition africaine recèle un réservoir d’éthique, de disposition comportementale et de paroles garantissant les valeurs d’équilibre et harmonisation sociale qui souligne la capacité de la société traditionnelle à faire triompher en toute circonstance, le dialogue pour la Paix. Ces valeurs sont assurément constitutives d’une culture préventive et réparatrice susceptible d’être sollicitée soit avant le conflit circonscrit, soit quand le conflit n’a pu être évité en aval pour en extraire les conséquences, et minimiser l’impact sur la durée.
Charles Binam Bikoi, Secrétaire Exécutif du Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines (CERDOTOLA)
Si le terrorisme demeure un fléau mondial, la mise en œuvre de stratégies endogènes de lutte contre le terrorisme, plus proche des réalités locales est une nécessité, selon l’Union Africaine. Pour de nombreux chercheurs, cela passe par l’implication des sociétés traditionnelles et religieuses dans les stratégies de résolutions de crises. C’est l’exemple avec la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram en Afrique Centrale, où les gouvernements camerounais et tchadiens se sont appuyés sur les légitimités traditionnelles.
Je pense qu’il y a une conception internationale de la crise sahélienne qui parfois éloigné des réalités locales. Cela pose très souvent les problèmes que nous avons récemment observés malgré l’investissement de certains pays et leur engagement militaire, qu’on en arrive à des situations de blocage et de conflits avec les populations locales. Et je crois que ce type de rencontre a permis de réduire le gap qu’il y a entre cette conception internationale et les perceptions locales et véritablement poser sur la table toutes les problématiques qui touchent la question de la sécurité et qui en définitive commencent à être prises en compte et prise en charge par les sociétés civiles africaines qui en font un véritable problème de gouvernance.
Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies
Si sur la base du réseau relationnel noué avec sa population, le chef, gardien des valeurs culturelles et religieuses, est aujourd’hui un allié pour la détection des prémisses de crises sous-jacentes, la montée d’idéologies suspectes, les sources éventuelles de tensions et leurs résolutions, il n’en demeure pas moins que leurs actions peuvent-être instrumentalisées.
Il convient de garder à l’esprit que les acteurs traditionnels sont loin d’être des acteurs neutres. Les mécanismes traditionnels de gestion des conflits ne sont pas épargnés par l’instrumentalisation et les manœuvres politiques. Les élites politiques utilisent aussi volontiers que fréquemment les registres de ladite « tradition » pour se légitimer.
Rapport de recherche n°2 du Centre Franco-Paix, Juin 2017
Les légitimités traditionnelles et religieuses sont, de l’avis de nombre d’observateurs, des institutions qui ont un rôle stratégique dans la prévention des conflits et la sécurité de proximité. Toutefois, pour remplir cette mission, les gouvernements sont appelés à créer et à multiplier les cadres de concertation et d’échange avec les autorités traditionnelles et les Forces de Défense et de Sécurité implantées dans les foyers d’insécurité.