Dans cette édition de décryptage, nous recevons Bankole Adeoye, Commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine. Il s’exprime sur les défis du contient africain dans un contexte de l’instabilité socio-politique.
1- Dans un contexte marqué par une hausse des attaques terroristes et des coups d’Etat en Afrique, que pensez-vous de la tenue du Sommet humanitaire extraordinaire de l’Union africaine et de la conférence des donateurs sur le terrorisme et les changements anticonstitutionnels de régimes sur le continent?
Merci de me recevoir. Il s’agit d’un jalon important pour les dirigeants de l’Union africaine pour relever les défis posés par le terrorisme, l’extrémisme violent et la radicalisation sur notre continent. C’est un cadre pour les dirigeants africains à Malabo de déclarer leur détermination à renforcer la riposte, à approfondir la démocratie et à promouvoir la sécurité collective.
2-Vous êtes le Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité. Que pouvez-vous nous dire des efforts en faveur de la paix et de la sécurité sur le continent?
L’état de la paix et de la sécurité sur le continent est préoccupant. C’est un appel à l’action car pour la première fois de notre histoire à l’Union africaine, les cinq régions du continent sont désormais confrontées à la menace du terrorisme. C’est donc le cadre nécessaire pour les dirigeants des 55 États membres pour promouvoir des solutions africaines aux problèmes africains et travailler avec la communauté internationale pour éradiquer ce fléau du terrorisme et de l’extrémisme violent. C’est aussi l’occasion de réaffirmer l’engagement à respecter les normes et principes de participation inclusive et de promotion de la démocratie, des droits de l’homme, de l’État de droit et du constitutionnalisme sur notre continent. Cette réalité présente une double opportunité d’aborder, de promouvoir et d’approfondir la démocratie. Et, en même temps, de se décider à vaincre définitivement le terrorisme sur notre continent.
3-Selon vous, y a-t-il des éléments qui pourraient justifier cette hausse des putschs sur le continent?
Il n’y a pas de coups d’État justifiables. Aucun changement anticonstitutionnel de gouvernement n’est justifiable. Tous les moyens antidémocratiques d’accéder au pouvoir sont totalement rejetés par les dirigeants africains. Nous souhaitons que les dirigeants africains réitèrent leur attachement à la pleine démocratie et à l’état de droit. La tolérance zéro dont ont toujours fait preuve les dirigeants africains, en ce qui concerne les moyens extra constitutionnels d’accéder au pouvoir, restera à notre avis. C’est ce que nous attendons et tous les coups d’État, quelles qu’en soient les causes, sont inacceptables. Ces derniers sont un frein au renouveau africain, à l’Afrique en chantier, à l’Afrique qui se veut démocratique et à l’Afrique qui promeut des engagements sûrs et pacifiques.
4-Les sanctions prises par la CEDEAO et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine après le coup d’État au Mali en août 2020 n’ont pas empêché les militaires de prendre le pouvoir en Guinée, au Soudan et au Burkina Faso. Est-ce à dire que les putschistes n’ont plus peur de la réaction des instances continentales ou sous-régionales?
Ce qui est clair c’est que l’Union africaine a mis en place des mécanismes complets et efficaces pour faire face à toute forme de changement anticonstitutionnel de gouvernement, notamment, le Conseil de paix et de sécurité et l’Assemblée des chefs d’État. Travaillant avec les communautés économiques régionales comme la CEDEAO, nous nous unissons pour condamner sans équivoque toutes les formes de coups d’État. Je tiens à vous assurer qu’alors que nous envisageons des transitions politiques pacifiques dans les quatre pays qui sont actuellement suspendus pour des changements anticonstitutionnels de gouvernement, nous nous engageons avec les blocs économiques régionaux ainsi qu’avec les pays concernés pour garantir que la promotion, la protection et la préservation de la démocratie demeure un principe directeur sur notre continent.
5- Comment remédier à cette quête de puissance des autorités militaires sur le continent?
En abordant les principes nécessaires de la démocratie, l’inclusion, en particulier pour les jeunes et les femmes, la séparation des pouvoirs et la détermination pour assurer la transparence dans toutes les formes d’engagements aux niveaux national et régional. La déclaration d’Accra résultant du forum de réflexion d’Accra en mars 2020 a jeté les bases pour que les parties prenantes, les femmes et les jeunes, les organismes professionnels, les syndicats, les universités, s’engagent pour la démocratie. Avec une démocratie enracinée et consolidée, je peux vous rassurer que nous verrons la fin de cette nouvelle vague de moyens extra constitutionnels d’accéder au pouvoir.
6- Comme nombre de décideurs et leaders africains, craignez-vous de voir la fin du G5 Sahel avec le retrait du Mali de cette force? Du point de vue sécuritaire, quels sont les risques de ce retrait pour la région du Sahel?
Ce que je dirai, c’est que le seul moyen de vaincre le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique passe par la sécurité collective et c’est pourquoi nous sommes assurés que les consultations nécessaires auront lieu pour promouvoir la sécurité collective dans la région du Sahel et dans d’autres parties de notre continent qui font face à la menace terroriste.
7- Les armées nationales africaines peuvent-elles, ont-elles la capacité, d’assurer à elles seules la sécurité de leurs territoires et de leurs frontières sans l’intervention de forces internationales?
Des solutions africaines aux problèmes africains. Nous devons d’abord promouvoir une action efficiente, efficace et cinétique contre les terroristes et dans ce processus, le soutien des partenaires, des Nations Unies et des organismes régionaux sera inclusif dans le partenariat international nécessaire pour contrer ces terroristes qui disposent de réseaux mondiaux. Rappelons que la plupart d’entre eux sont inspirés de la diaspora. Le terrorisme n’est ni de nature ni d’origine africaine et c’est pourquoi nous devons travailler avec la communauté internationale, les autorités militaires, les opérations de soutien à la paix de l’Union africaine, ainsi que les missions régionales de soutien à la paix dans différentes parties du continent pour éradiquer ce fléau.
8- Monsieur le Commissaire, où en sommes-nous avec le projet de la Force africaine en attente?
Le projet avance, ça prend du temps, on a fait le bilan et toutes les cinq régions du continent ont mis en place les mécanismes appropriés. En conclusion, nous espérons que cette année, grâce au mémorandum d’accord conclu entre l’Union africaine, les mécanismes régionaux et les communautés économiques régionales, la pleine opérationnalisation de la Force africaine en attente deviendra une réalité.