Depuis août 2020, des prises de pouvoir par la force secouent le continent africain. De Khartoum à Conakry, cette série de coups d’État jette le doute sur l’efficacité des transitions démocratiques en Afrique. Elle met également à mal la coopération régionale à un moment où celle-ci est plus que jamais nécessaire pour faire face à la menace croissante posée par les groupes extrémistes violents. Au vu de l’échec des sanctions à limiter les coups d’Etat, des dirigeants du continent estiment qu’il faudrait privilégier la diplomatie et encourager un leadership responsable comme pistes de résolution aux crises politiques et économiques qui découlent de ces transitions.
Tout un éventail de mécanismes et d’instruments de prévention ont fleuri ces dernières années pour prévenir les conflits en Afrique, à l’instar de l’initiative “Faire taire les armes” de l’Agenda 2063 de l’UA . Seulement, ces mécanismes ne s’appliquent pas de facto aux crises politiques qui découlent des mouvements de transition. En outre, le recours systématique des organisations sous-régionales et continentales aux sanctions après les coups d’Etat pourrait être précédé d’autres voies, selon des dirigeants africains. La position a été présentée par le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, au Forum de Lomé pour la paix et la sécurité clôturé le 22 octobre 2023.
“ En effet nous pensons que plutôt que jeter l’opprobre sur les acteurs de ces transitions, la sagesse africaine nous invite à avoir des rapports fraternels avec les pays et les peuples en détresse et en quête d’une issue salvatrice. Nous y croyons parce que nous disons qu’à la vérité, la diplomatie nous en donne les clés. Tandis que les instruments juridiques et les organisations régionales et sous-régionales, nous offrent le cadre institutionnel ”
Robert Dussey, Ministre des Affaires étrangères – Togo
Entre la diplomatie préventive et les pressions politiques, la frontière est parfois ténue. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger; après chaque coup d’État, la réponse de la Cedeao et d’une partie de la communauté internationale a été de sanctionner ces pays. Ces mesures, loin d’être individualisées, touchent l’ensemble des populations et sont dénoncées par des acteurs politiques. Au Niger par exemple, après la fermeture des frontières aériennes et terrestres, plus de 70 % de son électricité, fournie par le Nigeria, a été coupée après la suspension des transactions financières avec les pays d’Afrique de l’Ouest.
“Nous soulignons que les organisations sous-régionales, régionales et internationales doivent renforcer leur diplomatie préventive contre les crises, leur rôle de médiation pour faciliter le dialogue et la compréhension mutuelle entre les parties prenantes ainsi que la recherche des compromis nécessaires pour parvenir à des transitions pacifiques sur le continent.”
Alvin Botes, Ministre adjoint des Relations internationales – Afrique du Sud
Dans une récente note d’analyse sur les crises politiques en Afrique, le Programme alimentaire mondial (PAM) rappelle que 3,3 millions de personnes soit 13 % de la population étaient en insécurité alimentaire sévère durant la dernière période de soudure allant de juin à août 2023. La gestion des défis découlant des crises politiques nécessite une pluralité d’instruments.
“Nous devons construire notre propre solidarité. Nous devons dans le même temps éduquer les acteurs extérieurs pour qu’ils comprennent notre contexte. Ce n’est qu’à partir de là que nous pouvons efficacement intervenir…La solution à ces crises n’est pas que la gouvernance, l’usage de la force ou bien le leadership mais une combinaison de tout ça ”.
Abdisaid Muse Ali, Ancien ministre des Affaires étrangères – Somalie
Certains pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel demeurent affectés par des crises politiques résultant de processus électoraux contestés ou biaisés, de changements inconstitutionnels de gouvernement et autres menaces à la légalité et à la gouvernance démocratiques, qui constituent de grands défis à la stabilisation politique, sociale et économique de la sous-région.