La Commission mixte franco-camerounaise pluridisciplinaire sur le rôle et l’engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition entre 1945 et 1971 a rendu ses travaux au président de la République française Emmanuel Macron et au président de la République du Cameroun Paul Biya, lors d’une séquence de restitution en deux temps qui s’est ouverte à Paris le 21 janvier 2025 et s’est clôturée à Yaoundé le 28 janvier. Le volet recherche dirigé par Karine Ramondy et composé de 14 chercheurs camerounais et français a rendu un rapport scientifique de près de 1000 pages, accompagné de recommandations mémorielles. Le volet artistique dirigé par Blick Bassy a proposé une trentaine de productions artistiques et culturelles dans le cadre d’une saison culturelle sur le thème des « funérailles de la mémoire ».
Rétablir la vérité et réhabiliter les héros de la lutte pour les mouvements indépendantistes et d’opposition entre 1945 et 1971, période de l’histoire franco-camerounaise qui reste encore méconnue. Le 28 janvier 2025, le rapport qui doit remplir cette double mission et qui s’est penchée sur le rôle de Paris avant et après l’indépendance du Cameroun a été remis au chef de l’État camerounais, Paul Biya. Ses plus de 1 000 pages se basent sur des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain. Lors des cérémonies de remise, à Yaoundé et Paris, les deux présidents ont évoqué la création d’un comité de suivi des recommandations, la révision des programmes d’enseignement et le soutien à la recherche en histoire sur la période.
D’emblée, je voudrais préciser qu’au moment où nous prenions la décision commune en juillet 2022, de mettre sur pied cette commission franco-camerounaise, notre objectif était de briser un tabou vieux de plusieurs dizaines d’années pour que la relation entre la France et le Cameroun connaisse de nouveaux développements. Il y a lieu de rappeler ici que je faisais déjà observer en 1987, dans mon livre intitulé Pour le libéralisme communautaire, que je cite: « L’Indépendance de notre pays fut conquise de haute lutte par de nobles et des hommes forts issus de notre terroir”. Leurs œuvres ont été officiellement saluées et réhabilitées.
Paul Biya, Président de la République du Cameroun
Ce document est le fruit du travail de quatorze chercheurs camerounais et français de diverses spécialités qui ont travaillé durant vingt mois sur les périodes précédant et succédant l’indépendance du Cameroun, en 1960. En effet, face à la montée du mouvement indépendantiste après la Seconde Guerre mondiale, les autorités françaises mettent en œuvre une répression multiple, policière, administrative, judiciaire, mais aussi politique. À partir de 1955, la répression s’intensifie et se généralise à l’ensemble de la société. L’Union des populations du Cameroun (UPC), parti indépendantiste, est interdite, ses leaders entrent dans la clandestinité. La répression se solde par la mort de dizaines de milliers de militants, et l’assassinat des leaders indépendantistes Ruben Um Nyobé, en 1958, Felix Moumié, en 1960 ou encore Ernest Ouandié en 1971.
C’est un document historique, un document d’histoire qui permet de décrire une histoire commune et une histoire qui n’appartient pas seulement à la France. Une histoire qui n’appartient pas seulement au Cameroun, mais une histoire collective entre ces deux populations de ces deux nations. Maintenant, ce rapport montre aussi comment le Cameroun s’est imposé. Ou alors le Cameroun a occupé la scène internationale après son indépendance et comment la France a continué à tirer quelque part son épingle du jeu.
Alvine Assembé, Membre de la Commission mémoire
Du côté de la France, la remise de rapport constitue une étape importante vers la poursuite de relations diplomatiques apaisées avec le Cameroun.
Ce rapport et les suites qui seront données vont nous permettre d’ouvrir une nouvelle page de la relation bilatérale et de bâtir ensemble un avenir apaisé, en comptant aussi sur les liens humains très forts qui existent entre nos sociétés civiles et nos jeunesse.
Thani Mohamed-Soilihi, Ministre délégué chargé de la Francophonie
C’est en février 2023, au lendemain de la visite du Président français au Cameroun que la Commission mémoire avait été instituée avec comme mission principale d’éclaircir le rôle et l’engagement de la France dans la répression au Cameroun de 1945 à 1971. Le rapport de la Commission mémoire a été produit par une équipe pluridisciplinaire d’experts co-dirigée par l’historienne française Karine Ramondy et l’artiste camerounais Blick Bassy.