L’agence météorologique nationale au Rwanda alerte les populations sur de fortes pluies dans la prochaine saison des pluies allant de Septembre à Décembre. Meteo Rwanda révèle que les précipitations pourraient même doubler par rapport à la même période de l’année passée, ce qui pourrait causer des dégâts. En mai 2023, le Rwanda a été frappé par des inondations qui ont fait plus d’une centaine de morts, l’une des pires tragédies de ce genre que le pays a connu depuis plusieurs années. Des milliers de maisons ont été détruites, des familles démunies et pour plusieurs personnes, la vie ne sera jamais comme avant. Des mois plus tard, les activités d’aide aux sinistrés continuent par le gouvernement qui a tout coordonné depuis le début. A l’heure ou le changement climatique fait ravage dans le monde, la question qui se pose est de savoir comment agir pour éviter ses conséquences désastreuses. Au Rwanda, le gouvernement a opté pour l’expropriation des habitants des zones dites à hauts risques parmi plusieurs solutions proposées sur le court et le long terme.
Cet homme s’appelle Nteziyaremye Feza et quelques mois plutôt, la vie avec sa petite famille au Nord du Rwanda était presque normale, avec plusieurs projets en vue. Jusqu’à ce que les terribles événements du 03 mai 2023 ne viennent tout bouleverser. Aujourd’hui, Feza vit seul avec son fils de neuf mois. En l’espace de quelques mois, Feza maîtrise parfaitement l’art de prendre soin d’un bébé, et pour cause sa femme a été emportée par les inondations.
La relation avec mon fils a vraiment changé car actuellement je suis tout ce qu’il lui reste et lui tout ce qu’il me reste. Chaque jour je sais qu’il doit être lavé, je lui mets ses couches avant de l’habiller et le mettre dans mon dos pour qu’il trouve facilement du sommeil et après je le mets au lit afin de m’occuper d’autres tâches ménagères.
Feza NTEZIYAREMYE, Habitant de Rubavu
Dans la nuit du 02 au 03 Mai, de fortes pluies se sont abattues sur plusieurs régions du Rwanda, causant des inondations qui ont coûté la vie à 135 personnes et détruit près de 6000 maisons et bien d’autres infrastructures au Nord et à l’ouest du pays. La femme de Feza fait partie des victimes, leur maison et tous leurs biens ont été emportés par les eaux. Comme plusieurs autres sinistrés, il vit actuellement dans une maison que le gouvernement a louée pour lui en attendant de trouver une solution définitive. Entre-temps, Feza Nteziyaremye a trouvé la meilleure façon de faire le deuil et selon lui cela n’inclut pas de rester triste.
La vie continue même après les pires tragédies. Quand Dieu préserve votre vie, c’est qu’il y a une raison. Ce n’est pas parce que vous êtes plus brave que les autres ou plus digne, c’est tout simplement par sa grâce. Alors votre devoir est simple, c’est d’essayer d’être fort et joyeux pour lui rendre gloire et aider les autres. C’est ainsi que je l’entends, je suis resté pour glorifier le Seigneur et je n’aurais de cesse tant que je serai en vie .
Feza NTEZIYAREMYE, Habitant de Rubavu
Après avoir apporté les premiers secours, le gouvernement rwandais a mis en place une solution holistique pour gérer la situation qui était très complexe à ce moment. Aider les familles qui ont perdu les leurs et d’autres qui ont tout perdu à apprendre à revivre, c’est une épreuve difficile. 93 camps ont été établis pour accueillir les plus de 20 milles déplacés.
Il y a tout dans ce site d’hébergement mais le plus important qu’il fallait installer, c’étaient les dortoirs et tout ce qui va avec. La cuisine, les toilettes, des points de lessive et de séchage des habits, etc. Le plus urgent de toutes ces installations, c’est aussi un hôpital car il fallait très vite s’occuper de la santé de toutes ces personnes 24h sur 24.
Pacifique ISHIMWE, Vice-maire chargée des affaires sociales/Rubavu
Actuellement, tous les camps ont été fermés et les gens ont été provisoirement installés dans des maisons de location. Quelques maisons ont été renouvelées et de nouvelles vont être construites pour ceux qui n’ont pas de moyens et ce, sur des sites sans risques selon le gouvernement.
Après ces terribles événements que nous avons vécu, il est clair que nous devons protéger nos populations de toutes les manières possibles. C’est vrai que c’étaient des catastrophes naturelles mais nous avons constaté que bon nombre de ceux qui ont été touchés vivaient dans des zones à hauts risques d’être frappées par ces catastrophes et donc il faut quitter ces zones. De nouveaux sites ont été identifiés pour relocaliser tous ceux qui étaient ou qui sont toujours dans ces zones risquées.
Déogratias NZABONIMPA, Maire du district de Rubavu
Pour le moment, les autorités rwandaises essayent de trouver des solutions à plusieurs problèmes à la fois. D’abord, le problème de relogement des sinistrés qui n’ont pas les moyens dans de nouvelles maisons et loin des risques d’inondations, et ensuite convaincre les habitants des zones dites à hauts risques d’évacuer pour éviter de prochaines catastrophes. Chaque maison qui est marquée de ce signe en forme de x doit être démolie et c’est là tout le problème.
Franchement on ne comprend pas trop cette histoire d’évacuation. Nous on vit ici dans nos champs qu’on cultive pour survivre, comment on va faire si on nous amène loin de chez nous? Par exemple, j’habite tout près d’ici, une partie de ma maison a été détruite. J’aimerais seulement qu’on m’aide à la rénover et que je puisse rester et continuer ma vie ici.
Shakira NYIRARUKUNDO, Habitante de Rubavu
Je suis né ici et durant 68 ans j’ai toujours vécu ici. C’est très difficile de m’imaginer vivre ailleurs qu’ici et je ne trouve pas que ce soit la meilleure solution pour moi. Je pense que les autorités devraient trouver des experts pour voir comment apprivoiser le lac d’à côté qui a débordé pour causer toutes ces inondations dans notre quartier.
Gilbert Bryan In Gwe (Abdoulaye) , Habitant de Rubavu
A ce jour, les risques d’inondation restent accrus dans plusieurs zones du pays. Les spécialistes continuent de sensibiliser sur les causes de cette catastrophe survenue dans la nuit du 02 au 03 mai 2023.
Tout ça, ce sont des conséquences du changement climatique. Nous sommes dans une région qui connaît normalement une forte pluviométrie. Les eaux d’une des rivières qui ont débordé se versent dans la mer méditerranée tandis que celles de l’autre se versent dans le lac Kivu, qui à son tour va jusqu’à l’océan atlantique. Les deux côtés ont connu des fortes pluies causées par un même processus venu de l’océan indien et l’océan atlantique. Selon les données collectées, dans certaines zones, les eaux atteignaient jusqu’à 12 mètres de hauteur avec une vitesse de 50 m par seconde”
Hussein BIZIMANA, Spécialiste en modélisation hydraulique
Selon les experts, il s’agit des précipitations les plus abondantes jamais enregistrées au Rwanda dans 76 ans. Ils s’inquiètent de ce qui pourra suivre car le Rwanda a connu ce type de précipitations deux fois en moins de six mois d’intervalle; ce qui justifie pour les autorités les mesures drastiques prises qui visent principalement à préserver les populations.
Après ces catastrophes, nous devons faire très attention. Nous devons nous assurer que de nouvelles infrastructures tiennent compte des recommandations des experts, à commencer par les maisons des populations. Ce qui est déjà fait est fait mais nous pouvons changer quelque chose pour le futur. Nos experts ont donné des recommandations et nous devons les suivre pour sauver la vie des gens.
Samuel DUSENGIYUMVA, Secrétaire permanent au ministère de l’administration locale
Pour ces experts, il faudra évacuer en urgence les gens qui vivent dans un rayon de 50 m autour de la rivière Mukungwa et 100 mètres pour la rivière Sebeya, les deux rivières qui ont débordé pour faire des dégâts considérables. Près de deux milles maisons vont être démolies pour laisser place aux autres activités agricoles ou d’autres qui seront jugées adaptées.
Franchement, il serait catastrophique de laisser les gens vivre ici avec tout ce qu’on a pu observer et apprendre des précédentes inondations. C’est vrai qu’il y avait des bambous et les bananeraies autour de ces rivières qui ont débordé mais cela n’a pas empêché l’eau de détruire les maisons et tout ce qu’elles contenaient. Et donc, on pourra garder toutes ces plantations autour des rivières dans un rayon déterminé mais on ne pourra pas garder les maisons. Nous recommandons que ces endroits soient utilisés pour l’agroforesterie par exemple ou les arbres pourront retenir les sols et faire face aux inondations mais personne ne pourra en tout cas vivre là-bas.
Hussein BIZIMANA, Spécialiste en modélisation hydraulique
En cinq ans, le Rwanda a enregistré plus de 7900 catastrophes naturelles qui ont emporté 1209 personnes, parmi lesquelles 200 ont été victimes des pluies torrentielles. Le nombre d’infrastructures détruites incluent plus de 430 milles maisons, 360 routes et 355 ponts sans compter des cultures et bien d’autres vies touchées comme celle de Feza et son fils, pour qui les choses ne seront plus jamais comme avant. Le changement climatique est devenu un combat commun, il est l’affaire de tous et des mesures sont nécessaires pour éviter que d’autres familles soient détruites comme cela fut le cas pour Feza Nteziyaremye et son fils.