La dette publique s’alourdit, les marges budgétaires se réduisent. Face à une crise qui menace l’avenir de plusieurs pays du continent, experts, responsables politiques et institutions financières se sont réunis à Lomé pour réfléchir à des solutions concrètes. Comment restaurer la viabilité de la dette sans sacrifier les dépenses sociales essentielles ? Quels mécanismes pour mieux structurer les emprunts et renforcer la souveraineté économique ?
En Afrique, la dette publique atteint aujourd’hui des niveaux préoccupants. Selon le rapport international sur la dette publié en 2024 par la Banque mondiale, 22 pays africains sont en situation de surendettement ou exposés à un risque élevé. En 2023, la dette publique cumulée de l’Afrique subsaharienne a franchi la barre des 1 100 milliards de dollars, soit plus de 60 % du PIB régional. Une part importante de cette dette est contractée auprès de créanciers privés ou bilatéraux, avec des taux d’intérêt élevés et des conditions strictes. Cette fragilité ne découle pas d’un seul facteur, mais d’un enchaînement de vulnérabilités structurelles et conjoncturelles.
Beaucoup ont eu ces fonds, mais n’ont pas pu, n’est-ce pas, les utiliser de façon effective. Mais à la limite, lorsque vous partez dans ces pays, il n’y a pas d’infrastructure, il n’y a pas d’infrastructure routière, il n’y a pas d’énergie, il n’y a rien.
Emmanuel Innocents EDOUN, Professeur en économie, Afrique du Sud
Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, le service de la dette absorbe des ressources colossales. D’après le Fonds monétaire international (FMI) en 2023, le Ghana consacre plus de 45 % de ses revenus publics au service de la dette, soit environ 6,2 milliards de dollars par an. En Éthiopie, le remboursement de la dette représente près de 3,5 milliards de dollars, tandis que le budget combiné de la santé et de l’éducation peine à atteindre 2,7 milliards. Plus largement, dans 14 pays africains, les montants versés aux créanciers dépassent les budgets sociaux de base .
La dette publique, la soutenabilité de la dette, est la cause de ce problème. La dette a en certains cas, dépassé le remboursement de la santé, le remboursement de l’éducation, ce qui est critique pour le développement de n’importe quel pays. La santé et l’éducation sont très importants pour les jeunes. Nous devons s’assurer que l’investissement dans la dette publique doit targuer particulièrement de l’éducation, pour s’assurer que nos jeunes soient prêts et compétents pour travailler pour l’avenir.
Délia COX, Conseillère, dette publique au secrétariat du Commonwealth
Face à l’urgence de la dette, la conférence de Lomé a mis en avant des solutions concrètes. Les experts ont plaidé pour un renforcement des banques africaines de développement, comme la BAD, qui a accordé près de 8 milliards de dollars en 2023 à des conditions avantageuses. Parmi les instruments évoqués : les obligations vertes (plus de 3 milliards levés en 2023), les prêts liés aux ODD, ou les échanges dette-nature, à l’image des Seychelles avec 27 millions de dollars réorientés vers la protection marine. Mais sans une gouvernance transparente et rigoureuse, ces outils restent insuffisants.
Si les termes et les conditions de remboursements ne créent pas de dégâts pour le pays, c’est bien. Si les ressources ne sont pas détruites, en ce qui concerne le fait qu’elles finissent dans la poche des gens par le moyen de la corruption, c’est bien. L’important, c’est que chaque pays ait sa propre capacité.
Éric OGUNLEYE, Directeur de l’Institut africain de développement du Groupe de la BAD
La dette n’est pas une fatalité. Si elle est bien contractée et orientée vers l’investissement productif, elle peut devenir un véritable levier de croissance.