Dans un pays où l’héritage foncier reste une clef du pouvoir social, le théâtre s’invite désormais là où les débats s’éteignent trop vite. Les Plis de l’Héritage, ce vendredi 24 octobre 2025 ouvre une brèche dans des traditions tenaces, révélant l’ombre portée du patriarcat sur les générations futures. En mobilisant une jeune troupe, le spectacle donne un visage à celles et ceux qu’on entend rarement. Sur scène, la fiction sert de révélateur et la salle devient témoin.
À l’espace culturel Le Centre de Lobozounkpa, la scène s’est faite miroir. Avec Les Plis de l’Héritage, la Compagnie Apsara place le débat de la transmission foncière au cœur d’un récit où les silences pèsent davantage que les plaidoyers. La pièce, interprétée par de jeunes comédiens béninois formés depuis deux ans, plonge dans un univers rural où l’exclusion des femmes de la succession reste encore traitée comme une évidence. La mise en scène révèle une fratrie fracturée par la succession du père, coincée entre fidélité aux règles ancestrales et quête de justice.
“Je crois que le débat social, il est là, je veux dire, il y a des lois qui défendent les droits de la femme. Simplement, dans les villages, on en fait fi, comme dans le spectacle, on dit, chaque village a sa charte et ses codes, mais simplement, le patriarcat fait qu’on ne tient pas compte de la femme pour la simple et bonne raison qu’elle va se marier. Finalement, les terres vont rester au nom d’un étranger, d’un homme qui vient d’ailleurs et qu’on ne connaît pas. C’est un petit peu le débat, mais la femme, que ce soit l’épouse ou les filles, ont droit, tout autant que les hommes, à hériter. On ne peut pas laisser les femmes démunies.”
Silvia Barreiros, Metteuse en scène – Suisse
Au-delà du drame familial, le spectacle pointe un paradoxe contemporain. Le cadre légal protège désormais les femmes, mais les pratiques coutumières persistent, justifiées par des codes transmis sans discussion. Sur scène, le conflit s’installe sans manikisme, laissant au public la responsabilité de son propre verdict. La direction artistique s’appuie sur une formation exigeante inspirée de Grotowski, Ma-yère-hold et Barba, renforçant la présence scénique d’une génération en pleine ascension.
“D’abord le rôle de Prunelle, Prunelle en fait, c’est une fofolle dans la tête, qui se cherche, qui cherche ses origines et surtout son père. Donc, elle cherche en fait l’amour paternel. C’est la raison pour laquelle elle est venue, pensant que c’était son père. ”
Arielle Akakpo, Comédienne – Bénin
Les Plis de l’Héritage s’inscrit dans un mouvement qui gagne du terrain : utiliser les arts vivants pour former, alerter et ouvrir des brèches dans les consciences, notamment au-delà des capitales. La tournée annoncée vise des territoires souvent tenus à l’écart du débat public, là où la parole s’émousse face à la coutume. La présence de Nicolas Houénou de Dravo, comédien et cinéaste béninois dont la réputation parle d’elle-même, est saluée. Il prête sa voix au conteur et son charisme à l’oracle, deux rôles denses et exigeants, trop lourds à porter pour des interprètes moins aguerris.



