Françis Ngannou, champion du monde de l’UFC (Ultimate Fighting Championship), la plus importante ligue d’arts martiaux mixtes au monde, a 20 combats à son actif, dont 14 dans l’UFC, pour 12 victoires, dont 10 par KO. A 36 ans et après sept années d’arts martiaux mixtes de haut niveau, le champion camerounais souhaite s’offrir de nouveaux défis. Françis Ngannou est notre invité dans cette interview. Nous revenons sur son parcours depuis Batié, dans l’ouest du Cameroun, jusqu’aux États-Unis. Ses défis sociaux avec sa fondation, et ses nouveaux projets sportifs.
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Françis Ngannou Bienvenue sur Africa24
Après votre départ de l’UFC vous avez indiqué que vous étiez aussi passionné par la boxe! Françis Ngannou, quels sont vos prochains défis sportifs?
Ce n’est pas après mon départ de l’UFC que j’ai annoncé que j’étais passionné par la boxe. J’ai toujours été passionné par la boxe et pour information, c’est par la boxe que j’ai commencé. J’ai commencé la boxe ici au Cameroun en 2008. A cette époque je n’avais aucune connaissance de l’existence du MMA c’est en 2013 quand j’arrive en France que je découvre le MMA, mais au départ c’était projet boxe. Après j’ai eu plus d’opportunités en MMA éventuellement le contrat avec l’UFC et vue ma situation à cette époque il n’était pas possible de renoncer à l’opportunité que j’avais à cette époque alors je l’ai saisie, tout en sachant qu’un jour j’allais revenir à la boxe .
Alors dans les arts martiaux mixtes vous avez gravi tous les échelons devenant le champion du monde avant de décider de sortir de la discipline en dénonçant au passage les conditions de vies des sportifs du MMA
Je ne suis pas sorti des arts martiaux mixtes je suis sorti de l’UFC. Je n’ai pas été d’accord avec certains principes mais je reste un combattant des arts martiaux mixtes donc éventuellement à l’avenir je vais pratiquer. Où et quand je ne sais pas encore, mais ça reste à l’ordre du jour.
Est- ce que vous êtes le héros des pratiquants de ce sport pour les uns , sportif trop ambitieux voulant monnayer au prix fort ses succès et sa notoriété planétaire pour les autres, où est-ce que vous vous situez dans cette description?
Je me situe à la même position qu’au départ. Au départ j’étais juste un jeune ambitieux qui avait envie de réaliser ses rêves, de faire ce dont il était passionné, parce que aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours été passionné des arts martiaux mixtes, de tout ce qui était combat et même des films, j’ai poursuivi ce rêve sans aucunes garanties étant au Cameroun, je ne savais pas que ça pouvait aboutir mais il était question pour moi de faire le maximum, de donner le meilleur de moi pour ne pas avoir de regrets. Il était donc question d’essayer et voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Est-ce que vous avez l’impression que vos coéquipiers, vos collègues combattants vous ont soutenus dans cette démarche?
Dans quelle démarche?
Dans la démarche de celui qui revendiquait les meilleures conditions que ce soit en terme de syndicat, en terme de mise en place d’un dispositif qui puisse suivre la santé des combattants.
Je comprends bien leur situation, ils m’ont soutenu mais avec le temps, l’UFC grandit, ils ont plus de pouvoir contrairement aux combattants. Ce qui fait qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ne sont pas contents, mais ils n’ont pas le choix car ils sont liés par des contrats et ça ne leur donne pas la possibilité de choisir même s’il y a mieux. l’UFC détecte les talents et les verrouillent avec des contrats à longue durée, qu’on renouvelle tout le temps avec une plus value sur les rémunérations. Ce qui prolonge la durée du contrat de façon indéterminée jusqu’à ce qu’ils ne veulent plus de vous.
C’est une situation qui est frustrante?
Non ce n’est pas frustrant! Je pense que c’est du business, il faut rappeler que l’UFC c’est une entreprise américaine et comme toutes les entreprises américaines qui est dans un système capitaliste le but c’est de faire un maximum d’argent. Le problème vient du côté des combattants qui n’ont pas compris le fonctionnement de l’UFC parce qu’ils sont en quête de célébrité, ils veulent tous être dans les bonnes grâce de l’UFC sans se poser des questions sur le fonctionnement.Quand on dit à un combattant qu’il a un nouveau contrat, ce qui lui importe c’est son gain. Moi également au départ j’étais comme tous les autres, ignorant, jusqu’à ce que je prenne des avocats pour étudier mon contrat; et de là j’ai compris qu’il n’était pas à mon avantage. J’ai donc essayé de renégocier mon contrat et c’est à partir de là que j’ai adopté une nouvelle stratégie pour sortir de ce contrat.
Est-ce qu’ avec votre coup d’éclat, on peut voir les choses changer, on peut se dire que vos jeunes confrères ont pris conscience de leur pouvoir?
Ce n’est pas aussi évident, parce que ça fait trois ans que je suis dans ce combat, que je refuse de signer de nouveaux contrats et que je dis non à de meilleures offres juste pour garder ma liberté, j’ai suffoqué financièrement au prix de ma liberté. j’ai refusé de l’argent pour pouvoir être payé à ma juste valeur. L’idée d’être piégé dans un contrat ne m’arrangeait pas.
On précise que la boxe anglaise c’est dix fois plus en terme de gains que l’UFC voir plus?
Ça dépend! On ne peut pas exactement préciser car ça dépend du combattant, de son statut, de l’événement, du combat en lui-même, il y a plusieurs critères. Effectivement, les tops combattants de la boxe anglaises sont plus payés que les tops combattants du MMA mais il y’a beaucoup de paramètres à respecter
Alors Françis on va parler de vos projets sportifs de haut niveau, quelles sont vos ambitions immédiates? Où est-ce que vous vous voyez dans l’immédiat?
Immédiatement il est question pour moi de me trouver. Je sais que je veux faire de la boxe anglaise, il me faut trouver un combat à venir, cette année peut-être et aussi le MMA, trouver une organisation avec laquelle on pourra travailler ensemble, car j’ai encore envie de combattre en MMA, si l’organisation améliore les conditions. Je pourrais me retrouver à l’UFC dans l’avenir s’ils acceptent de mettre un peu d’eau dans leur vin .
Françis Ngannou vous envoie un message chers organisateurs de l’UFC, ce sera au grand bonheur des millions de fans que vous avez à travers le monde de vous revoir au MMA, on a vu beaucoup de réactions, de déceptions, est-ce que ça vous parle aussi ces fans qui veulent vous voir revenir si jamais ces conditions sont respectées
Je les comprends, moi aussi je suis déçu s’il fallait choisir je ne serai pas parti de l’UFC j’ai essayé , j’ai voulu rester, mais je ne serai pas resté à tout prix c’est ça la différence. Je ne voulais pas être un autre pion dans le jeu, j’ai le droit de contrôler mon destin, mais aussi l’impact que j’ai dans ce sport. Je me bat pour que ce qui m’est arrivé aujourd’hui n’arrive pas demain aux autres qui pourront être passionnés par ce sport
Alors Françis, déportons nous du côté de la boxe anglaise en quelques minutes, Tyson Fury, ils vous envoie des piques par médias interposés depuis quelque temps. pour vous faire de l’argent dit-il à la mesure de votre talent. Tyson Fury contre Françis Ngannou, champion du monde WBC, cette affiche peut-elle se concrétiser? Si oui dans quelles conditions?
Oui ça peut se concrétiser mais ce n’est pas évident à l’heure actuelle, on essaie d’engager les pourparlers pour voir les conditions dans lesquelles ça peut se faire. Ça fait plus de deux ans qu’on se chauffe sur les réseaux sociaux. Maintenant je suis libre, pour lui ça dépendra de ses obligations contractuelles.
On pourrait avoir Myke Tyson en posture d’arbitre, ce serait peut-être l’un des plus beaux combats qu’on ait vu sur cette planète.
Oui ce sera un combat légendaire
Mais on se dit, si deux grosses têtes d’affiche : Tyson Fury d’un côté et Françis Ngannou de l’autre sont partants, est-ce que ça ne devrait pas faciliter les choses en terme de réglementation, en terme d’administration, en terme de mise en place de tout ça ?
Il faut savoir que même si c’est un combat entre deux personnes, il y a plusieurs parties impliquées. Tyson Fury est en partenariat avec beaucoup de personnes telles que : un promoteur qui est Queensberry, une plateforme de distribution, il y a plusieurs personnes qui s’associent pour organiser un combat.
Comme on dit les bonnes choses ont souvent une machine derrière pour l’organisation. Alors on reste en attente avec vous chers téléspectateurs . Françis, au delà de la compétition que vous engagez dans la transmission de votre savoir , vous avez entamé la construction d’un immense gymnase dédié à la formation de jeunes talents, de jeunes camerounais dans les sports de combats à Douala, la capitale économique du Cameroun où en êtes vous sur ce chantier?
Il faut rappeler que c’est le deuxième, nous avons un premier local qui est dans la ville de Batié dans la région de l’Ouest du Cameroun qui est opérationnel depuis 4 ans. celui de Douala on l’a construit avec notre partenaire Premier BET et nous avons terminé le gros œuvre. On espère que le chantier sera livré en avril 2023.
Quelles sont vos priorités à travers ce projet?
Nos priorités sont de donner l’opportunité à tout jeune camerounais passionné par ce sport d’avoir un local où pratiquer et éventuellement après les entraînements on organisera des compétitions, pour que ces jeunes gagnent en expérience afin d’aller combattre à l’international. Le but est donc de détecter des talents et de créer des bases locales.
Vous disposez d’une fondation qui réalise des dons à des familles dans le besoin, quelle importance ce type d’action à pour vous?
Nous faisons des dons à la hauteur de nos moyens, la demande est énorme, pour moi c’est un plaisir de le faire. j’ai eu cette idée en France, lorsque dans les salles de sports je voyais des personnes jeter du matériel encore utilisable. J’ai commencé à rassembler cela pour envoyer aux boxeurs au Cameroun. J’ai grandi dans la précarité, posséder un stylo était de l’or. Je n’avais pas de vêtements, ni de chaussures, je devais souvent porter les vêtements usés des membres de ma famille quand bien même ils voulaient me les donner. Aujourd’hui avec la fondation nous avons des sponsors qui nous soutiennent avec de multiples dons. Ce qui me rend fier aujourd’hui c’est d’être le pont entre les donateurs et les personnes dans le besoin.
Tendre la main pour ceux qui n’ont pas assez! Quelle contribution pensez vous apporter au développement du sport en général en Afrique? Quelle est votre vision pour éduquer les jeunes talents en milieu scolaire dans l’organisation des fédérations par exemple?
C’est un projet compliqué. ça fait un moment que je me suis penché sur le développement du MMA qui est un sport très jeune que ce soit en Afrique ou dans le monde et pour cela on a besoin de connaissances. Le challenge reste de trouver des entraîneurs expérimentés sur place. j’aimerais qu’on prennent conscience de ces challenges en Afrique, qu’on prennent le temps de faire un investissement sur le long terme au lieu de vouloir gagner tout de suite.
Je vois des gens qui ont juste envie d’avoir des événements, d’avoir l’UFC mais l’UFC s’est construit aux Etats Unis pendant 30 ans. On a des jeunes qui ont de la volonté, du talent mais qui n’ont pas d’expérience, et nous devons commencer par bâtir les infrastructures adéquates. Lorsque l’UFC se déplace, il y a des sponsors derrière.Certains pays qui les invitent leurs donnent des compensations pour couvrir les pertes mais aujourd’hui nous n’avons pas les ressources nécessaires pour pouvoir les déplacer. Et même si on avait ces fonds, on pourrait plutôt construire des salles de sport, avoir des coachs même s’ils sont expatriés qui vont former d’autres jeunes et on pourra avancer dans l’organisation du MMA au Cameroun. Je prends toujours pour exemple le combat de Mohamed Ali et Georges Foreman en 1974 Rumble in the jungle, c’était grandiose, c’était beau mais quel est l’impact 49 ans plus tard dans la société congolaise? est-ce que ça les a aidés? Pourtant avec cet argent on aurait pu développer la boxe congolaise voir meme africaine à tout jamais
Françis à la fin de votre carrière de haut niveau, comment comptez-vous , vous convertir? Est ce que vous vous imaginez faire une carrière dans le cinéma, la mode? Où on a vu quelques apparitions même sporadiques soit-elles déjà.
Pour l’instant je suis concentré sur ma carrière sportive je pense que c’est le plus important j’ai encore quelques années devant moi, voyons ce que l’avenir nous réserve. Comme les américains disent, the sky is the limit
Francis Ngannou merci d’avoir répondu aux questions d’Africa24.