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« Nous travaillons actuellement avec nos partenaires de l’Afrique subsaharienne pour mettre en place un développement des capacités axé sur le climat» : Pritha Mitra, Chef de division adjoint au département Afrique du FMI

Dans cette édition du programme décryptage, nous recevons Pritha Mitra, Chef de division adjoint au département Afrique du FMI. Elle s’est exprimé sur le changement climatique et l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.

1- Le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier un rapport sur le changement climatique et l’insécurité alimentaire chronique en Afrique subsaharienne. Les pays d’Afrique subsaharienne doivent-ils craindre l’apparition d’une crise d’insécurité alimentaire chronique ?

Merci d’échanger avec moi aujourd’hui sur cet important sujet. En fait, il y a actuellement plus de 123 millions de personnes en Afrique sub-saharienne qui souffrent d’insécurité alimentaire chronique. Cela signifie qu’elles n’ont pas accès à suffisamment de nourriture pour satisfaire leurs besoins de nutrition de base et qu’elles souffrent de malnutrition. Et bien sûr, la guerre en Ukraine et la pandémie de ces deux dernières années ont entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires et une baisse des revenus, ce qui a augmenté l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne de près de 30 % par rapport à ce qu’elle était deux ans avant la pandémie. Mais l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne grandit depuis plusieurs années et plus rapidement que dans le reste du monde ; en fait, c’est la région du monde où l’insécurité alimentaire est la plus forte. Pensez aux inondations qui se produisent actuellement au Tchad ou à la grave sécheresse qui bat des records en Afrique de l’Est. Ce qui se passe avec ces événements climatiques et d’autres événements du même genre, ce ne sont pas seulement des vies et des moyens de subsistance qui sont perdus, les voies de distribution de nourriture sont perturbées et les récoltes sont détruites. En l’absence de nourriture, les enfants souffrent de malnutrition, ils ne peuvent pas terminer leur scolarité et, en fin de compte, cela leur chances de s’en sortir. Les effets peuvent donc être très graves à court terme et sur de nombreuses années à venir, car le changement climatique continue d’intensifier le risque d’augmentation de l’insécurité alimentaire et de toutes ces conséquences que je viens de mentionner. Il s’agit donc d’une situation très urgente pour la région.

2- La situation de la sécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne est-elle aussi alarmante que cela au regard des effets du changement climatique ?

Comme je l’ai dit, le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire augmente avec chaque choc climatique, qu’il s’agisse d’une inondation ou d’une sécheresse, et entre autres raisons, comme vous l’avez mentionné, des déplacements de personne, ce qui pourrait entraîner davantage de conflits dans la région, des conflits pour l’eau ou les terres ; et donc la raison pour laquelle la région est si vulnérable au changement climatique est vraiment un manque de résilience. Pour vous donner un exemple, pensez à plus de la moitié de cette population qui dépend de l’agriculture, que ce soit sur la terre ferme, la pêche ou le bétail, et qui ne dispose pas du type d’infrastructure nécessaire pour se protéger des autres effets du changement climatique. Si vous pensez aux agriculteurs, la plupart des agriculteurs dépendent de la pluie pour arroser leurs cultures, ils ne peuvent pas se permettre une pompe à eau et même s’ils pouvaient se le permettre , où serait l’électricité pour l’alimenter ? Ce n’est qu’un exemple de l’urgence de la situation et de certaines des raisons qui la sous-tendent, à savoir le manque de résilience. 

3- Le rapport présente certains des effets du changement climatique sur la capacité des pays africains à produire ou à maintenir leur productivité. En conséquence, 85% de la nourriture consommée dans certaines régions provient d’importations. Quelles sont les étapes que les pays africains doivent suivre pour pouvoir mieux s’adapter à la situation actuelle ?

Le rapport examine comment améliorer la résilience de l’Afrique subsaharienne face au changement climatique, c’est-à-dire comment produire davantage de nourriture par elle-même et comment la distribuer facilement. La question est donc de savoir ce que l’on peut faire à ce sujet. Les gouvernements font déjà beaucoup, mais leurs efforts seraient plus efficaces s’ils étaient plus ciblés afin d’avoir un impact plus important;  s’ils concentrent leurs efforts sur l’assistance sociale et les infrastructures résiliantes. Pour vous donner un exemple, notre analyse montre que l’assistance sociale ciblée, comme les transferts d’argent, est plus de deux fois plus efficace pour protéger les pauvres que les subventions à la production agricole lorsque les gens sont confrontés à un certain choc alimentaire. Il existe d’autres types de stratégies comme la numérisation, qui sont très importantes car la numérisation fournit des systèmes d’alerte rapide aux agriculteurs, elle facilite l’utilisation de l’intelligence mobile et donne aux agriculteurs la possibilité d’utiliser des plateformes mobiles pour contacter directement les vendeurs. Il en résulte une baisse des prix des denrées alimentaires pour les consommateurs, car  on ne passe plus par les intermédiaires , et la priorité du bénéfice est aux agriculteurs. Certains éléments clés comme les infrastructures résiliantes peuvent faire une énorme différence. En outre, comme les transferts d’argent et les nouvelles infrastructures sont coûteux pour le gouvernement, ce dernier peut faire beaucoup sans dépenser quoi que ce soit, par exemple en rationalisant les réglementations. Par exemple, au Kenya, la rationalisation des réglementations relatives aux semences résistantes a permis de multiplier significativement la disponibilité des semences résistantes. 

L’autre domaine est la libéralisation du commerce. Pensez à l’équilibre des exportations qui a été ou qui est toujours en place dans de nombreux pays de la région. Par exemple, un pays qui a rapport export équilibré et qui produit beaucoup de maïs, l’année où il a eu une récolte abondante de maïs, une grande partie de cette production de maïs va à la poubelle alors qu’elle pourrait être exportée vers un pays voisin qui fait face à des difficultés au même moment. La libéralisation du commerce et l’amélioration des infrastructures qui relient les pays peuvent contribuer à l’intégration commerciale régionale, ce qui, en fin de compte, stabilise les prix et l’approvisionnement alimentaire de la région. Dans cette optique, le secteur privé peut également apporter son aide en améliorant l’accès au financement. Avec un meilleur accès au financement, les agriculteurs peuvent produire davantage de nourriture, car cela leur permet d’investir dans la technologie et les machines qui les aideront à accroître leur production. 

4- Nous sommes conscients et inquiets des cas de pays comme le Kenya, le Tchad ou l’Ethiopie qui ont connu les pires situations dues aux effets du changement climatique. Vous avez également travaillé au Congo qui perd chaque année environ 0,5% de sa superficie, l’équivalent d’environ 6000 m², et vous avez également travaillé sur la question de la prévention de l’insécurité alimentaire dans le cadre de l’une de vos dernières publications: comment l’Afrique peut-elle échapper à l’insécurité alimentaire chronique dans un contexte climatique ? Pouvez-vous partager avec nous certaines de vos conclusions ?

Comme je l’ai dit précédemment, si vous pensez aux infrastructures, à des choses comme de meilleures routes, trains, ports et chemins de fer, cela aiderait dans le transport et améliorerait l’intégration régionale et l’intégration commerciale, ainsi que les infrastructures d’irrigation. Toutes ces infrastructures manquantes, disons-le, viennent entraver les facteurs comme les subventions agricoles pour une augmentation de prix. Je pense que le message clé ici, et revenant sur mes réponses précédentes, la principale conclusion est que l’intervention du gouvernement doit être plus ciblée. Et elle doit être ciblée sur les éléments clés de l’infrastructure résiliante, sur des choses comme les transferts sociaux en espèces, et aussi sur la rationalisation des réglementations qui empêchent les agriculteurs d’avoir accès à des coûts plus bas, à l’eau, aux semences, toutes ces choses sont nécessaires pour améliorer la production et la distribution dans la région. 

5- La mise en place de politiques fiscales et financières, notamment la numérisation ou les transferts sociaux en espèces, serait un préalable à l’adaptation aux effets du changement climatique. Comment les pays africains peuvent-ils mettre en œuvre de telles politiques et comment peuvent-ils concrètement contribuer à l’adaptation aux effets du changement climatique ?

Je ne pense pas que les gouvernements et les décideurs politiques ne soient pas conscients de ces choses et beaucoup de pays ont inclus ces éléments dans leurs stratégies de changement climatique, leurs stratégies de sécurité alimentaire et leurs stratégies de développement. Notre rapport a pour but de souligner l’efficacité de certaines de ces stratégies, de certains de leurs aspects, et d’aider à établir des priorités entre les différentes politiques, car l’une des difficultés est qu’il y a trop d’idées, et ce sont de bonnes idées, mais il est important de déterminer laquelle aura le plus grand impact. Ainsi, les domaines que je viens de mentionner dans ma réponse précédente aident à déterminer quel domaine pourrait avoir le plus grand impact. Cela dit, il reste encore un grand défi à relever : comment les pays africains vont-ils payer pour cela ? Les infrastructures sont très coûteuses, et bien sûr, les pays font beaucoup d’efforts pour mobiliser les recettes intérieures, mais il y a des limites à cela. Les pays se remettent de la pandémie avec des niveaux d’endettement élevés. Il est donc évident que le soutien des partenaires au développement est nécessaire de toute urgence, que ce soit en termes de financement, de développement des capacités ou de transfert de technologie et de savoir-faire. De nombreuses recherches peuvent être menées sur les meilleures semences résistantes pour certaines régions d’Afrique, par exemple. Il existe de nombreux domaines dans lesquels les partenaires du développement peuvent apporter leur aide, ce qui sera la clé de la mise en œuvre de ces réformes. 

6- Le FMI s’investira-t-il concrètement pour aider les pays africains à mettre en œuvre ces stratégies afin de s’adapter et de renforcer leur résilience face au changement climatique et à l’insécurité alimentaire ?

Le FMI travaille activement avec les pays d’Afrique subsaharienne. En fait, nous travaillons actuellement avec nos partenaires de la région pour mettre en place un développement des capacités axé sur le climat. Nous avons donc de nombreux domaines différents, dont la gestion des financements publics, qui aide les pays à établir des priorités entre les projets d’infrastructure, etc. Nous avons donc de nombreux types de développement des capacités qui aident à cela et, en fin de compte, l’amélioration de ces domaines permet également de débloquer beaucoup de financements, par exemple sur les fonds climatiques et directement auprès des partenaires au développement. C’est un plan. Un autre plan, c’est celui de nos politiques d’accès à la terre. Nous avons une variété de politiques d’accès à la terre pour produire afin de soutenir plusieurs pays sub-sahariens et l’une de nos plus grandes politiques qui sera bientôt opérationnelle est le fonds pour la résilience et la durabilité qui se concentre spécifiquement sur le changement climatique et aide à améliorer la résilience à long terme. Ce faisant, la sécurité alimentaire, dans le sens où elle est liée au changement climatique, en fait partie. 

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