Cette édition de décryptage reçoit Sidi Ould Tah le directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique. Avec lui nous abordons les missions et la spécificité de son institution, mais également les soutiens financiers dont il fait montre sur le continent.
1- Peu connue du grand public, la BADEA n’en est pas moins l’une des banques publiques de développement les plus actives sur le continent africain. Pourriez-vous nous présenter votre institution ?
La Banque Arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) est une institution financière créée dans les années 70, précisément en 1974 et qui a commencé ses opérations en 1985. Elle se consacre entièrement au soutien des pays d’Afrique sub-saharienne. Ainsi, la banque fonctionne comme une institution financière multilatérale de développement et fournit des financements à long terme pour les secteurs public et privé, mais aussi des subventions et des financements commerciaux aux entités africaines.
2- En raison des crises mondiales actuelles, pandémie de covid-19 et conflit russo-ukrainien, l’Afrique a vu ses besoins en soutien financier sensiblement augmenter. Quelle a été la réponse de la BADEA sur ce point et sous quelles formes concrètes cet appui s’est-il manifesté ?
Bien sûr, lors de la pandémie de Covid, la BADEA a été l’un des premiers acteurs, car la même semaine que l’annonce de la pandémie, la BADEA a lancé une facilité de 100 millions pour soutenir les pays africains, et plus tard, le conseil d’administration a décidé d’augmenter le niveau de participation de la BADEA dans les efforts pour soutenir les pays africains. Nous voyons que le groupe de coordination arabe a promis 1 milliard de dollars pour aider les pays africains à faire face au Covid-19 et à son impact économique. Avec le groupe de coordination arabe, nous avons pu mobiliser 10 milliards pour soutenir les pays partenaires. Au cours de la situation récente, la BADEA a également travaillé avec d’autres institutions, en particulier avec ses partenaires du groupe de la communauté arabe, et récemment, au mois de juin, 10 milliards ont été promis pour aider les pays à faire face à l’augmentation du prix des engrais, mais aussi à l’augmentation des prix des produits de base, en particulier des denrées alimentaires. Sur ces 10 milliards, la BADEA a promis 1 milliard et nous travaillons actuellement avec d’autres partenaires pour augmenter notre niveau d’intervention afin d’aider les pays africains à faire face aux différentes crises.
3- En février, l’agence financière Moody’s vous a attribué une première notation AA2, dans l’optique notamment d’accéder prochainement aux marchés internationaux des capitaux. Pourriez-vous expliciter votre démarche à ce sujet ?
Comme vous le savez, Moody’s a attribué la note AA2 à BADEA en février de cette année, mais trois jours plus tard, l’agence de notation mondiale S&P lui a attribué la note AA. Ces deux notations confirment la situation financière très solide de la banque et également sa forte liquidité ainsi que le bonus. Cela ouvrira la voie à la banque pour aller sur le marché des capitaux afin d’augmenter le niveau des ressources dont elle dispose pour mieux servir les pays africains.
4- Monsieur le Directeur général, vous avez pris part à la 7ème édition de l’Africa SME Champions Forum en Ouganda, qu’est-ce qu’une institution comme la Banque arabe de développement économique en Afrique (BADEA) compte tirer de sa participation à un tel événement ?
Cet événement est très important pour la BADEA pour de nombreuses raisons et notamment parce que, comme vous le savez, la BADEA a une stratégie qui s’appelle Badea 2030 et l’un des quatre piliers de cette stratégie est de soutenir les petites et moyennes entreprises, en particulier les femmes et leur autonomisation.
5- L’écosystème des start-up africaines a connu un taux d’échec de plus de 50% entre 2010 et 2018, faute de financement selon le rapport « The Better Africa » du Weetracker. Quelle est la stratégie de la BADEA pour soutenir les PME africaines ?
Oui. Nous, à la BADEA, nous avons pris conscience des difficultés rencontrées par les PME en Afrique et nous avons fait un diagnostic de la situation, et nous avons réalisé qu’un des nombreux obstacles qui entravent le développement des PME en Afrique est le manque de coordination entre les acteurs parce que certains acteurs fournissent des financements, mais certains fournissent le développement des capacités, et d’autres des garanties. Mais tous travaillent en silence. C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé qu’il était nécessaire de créer une coalition mondiale pour soutenir les PME, de réunir toutes les parties prenantes autour de la même table avec une approche holistique pour fournir une solution complète que nous intégrons dans le service.
6-Créer une plateforme mondiale pour diffuser les bonnes pratiques en matière de soutien aux PME. C’est l’idée défendue que vous défendez depuis plusieurs mois. Dites-nous de façon concrète comment cette plateforme va contribuer à la construction de PME, plus résiliente et plus prospère ?
C’est très important car les micro et petites entreprises n’ont pas seulement besoin de financement, mais elles doivent aussi développer leurs capacités. Elles doivent être en mesure de fournir des états financiers à la banque ou à l’institution financière, elles doivent avoir un plan d’affaires, un accord juridique et, pour toutes ces raisons, elles doivent également disposer d’un personnel très bien formé, et aucune institution ne peut à elle seule fournir ces services aux PME. C’est pourquoi nous devrions travailler ensemble, afin d’être en mesure de fournir une solution intégrée aux PME.
7-Sur le long terme, quelles sont vos ambitions pour la BADEA ? Et au-delà pour l’Afrique ?
La BADEA a l’ambition de devenir l’acteur majeur en Afrique et d’être une institution financière forte et nous pensons que cela peut être réalisé avec notre vision BADEA 2030 qui est très alignée avec les ODD des Nations Unies, mais aussi avec l’Agenda 2063 de l’Union Africaine avec ses 7 aspirations.
8- Le 1er janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est devenue opérationnelle. Quelle est la stratégie de la BADEA pour accompagner la mise en œuvre de cet espace d’échanges ? Quel message adressez-vous à chaque pays africain souscripteur de vos offres devant ces nouvelles perspectives de développement ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec le secrétariat de la ZLECAF et nous pensons pouvoir apporter deux types de soutien. Tout d’abord, nous pouvons fournir des subventions pour soutenir le développement des capacités et préparer les pays à faire partie de la zone franche continentale. En ce qui concerne les finances, nous fournissons ce que nous appelons la facilité commerciale africaine, c’est-à-dire des fonds qui permettront aux pays de développer leur commerce transfrontalier et intracommunautaire en Afrique.
9- Un dernier mot sur votre bilan à la tête de la BADEA ?
Ce que la BADEA a réalisé est le fruit d’un travail d’équipe et nous sommes fiers, en tant qu’équipe, d’avoir réussi dans de nombreux domaines et nous sommes impatients de faire plus pour l’Afrique.