Au cœur du Village Artisanal de Ouagadougou, deux hommes façonnent le bronze comme d’autres écrivent une mémoire. Leur atelier à ciel ouvert raconte une persévérance qui ne se dément pas malgré un marché devenu imprévisible. Leur geste précis évoque une discipline où l’improvisation n’a jamais droit de cité. Leur parcours illustre une génération d’artisans qui avancent sans bruit, mais avec une vision durable de leur métier.
Ce sont des statuettes africaines en bronze que l’on retrouve dans les hôtels, les concessions et les salons où elles imposent une présence visuelle singulière. Elles naissent des mains d’artisans burkinabè, héritiers d’un savoir-faire transmis d’une génération à l’autre. Au Village Artisanal de Ouagadougou, des hommes poursuivent cette tradition avec une constance qui force l’attention. Nombré Karim et Ali Sissao, chacun fort de plus de vingt années de métier, défendent une discipline où chaque geste compte. Karim est l’exemple d’un autodidacte qui a transformé un parcours scolaire interrompu en trajectoire professionnelle affirmée.
Moi, j’ai arrêté l’école en classe de troisième et après un bref moment, je me suis dit que l’école, ce n’est pas la meilleure solution donc je me suis donné maintenant à ce travail et facilement j’arrive à m’en sortir dans ce travail. Mon patron paix à son âme c’est monsieur Guiré Tasséré, il est décédé. Durant ces vingt ans avec mon patron, on a réalisé des monuments pour la ville de Ouagadougou, on a beaucoup fait des trophées.
KARIM NOMBRÉ, Artiste bronzier – Burkina Faso
À quelques mètres de lui, Ali Sissao, artiste bronzier perpétue une compétence familiale transmise comme un héritage immatériel. Il maîtrise l’art de la patine, le bon moment pour limer, adoucir, polir. Il sait quand une cire devient capricieuse ou quand un moule doit patienter. Son atelier ouvert est un espace de finition où les œuvres prennent leur tonalité définitive.
D’abord, il faut faire l’œuvre en cire d’abeille. Donc, on ne peut pas créer d’abord l’oeuvre en cire d’abeille. Une fois fait le moulage avec le crétin dans l’eau de cheval, tu déposes au soleil, que ça sèche, tu refais une deuxième couche et après, tu fais la récupération de la cire. Donc, la terre va prendre la forme de la cire. Une fois récupérée, tu vas voir que le moule est vide, le moule est creux. Donc il faut couler le bronze. Après, il faut passer par la finition avec des limes, puis des papiers, au niveau de la soudure aussi, avant de revenir ici. Parce que là, c’est l’une des avant-dernières étapes du métier.
ALI SISSAO, Artiste bronzier – Burkina Faso
Ces artisans du Village Artisanal ont contribué à créer des monuments publics, des trophées emblématiques et des pièces uniques réalisées sur commande. Chaque œuvre affirme une identité propre, loin des productions uniformisées. Nombré Karim et Ali Sissao ne se contentent pas de maintenir leur activité, ils veulent franchir les frontières, entrer en résidence artistique, échanger avec d’autres créateurs, et ouvrir leur technique à de nouveaux horizons.



