Autrefois, le cercle de lumière autour du feu de bois suffisait. Les visages éclairés par les flammes, les oreilles tendues, et un conteur qui, d’une voix sûre, menait son auditoire dans des royaumes invisibles. Aujourd’hui, ce cercle s’est déplacé : il peut naître dans une salle de spectacle, un studio de podcast, ou même sur un fil de réseaux sociaux. Mais l’enjeu reste le même : transmettre des histoires qui portent mémoire et identité.
Portée par Mémoires d’Afrique-Bénin dans le cadre de la 15ᵉ Journée Nationale du Patrimoine Culturel Immatériel, la 19ᵉ Nuit des Contes a relevé le pari. Dans un décor reconstituant l’ambiance d’un feu de bois, les conteurs ont su rendre à la parole son pouvoir de captiver le public. Pas de décor numérique, pas de bande-son sophistiquée, seulement des voix, des gestes, et ce lien invisible qui se tisse entre celui qui raconte et celui qui écoute.
“Le défi, c’est de pouvoir dire, je ne suis pas conteur de mon village ou de ma maison ou dans mon pays, mais je suis un conteur qui s’ouvre au monde et qui s’adapte à l’évolution du monde.”
Giscard Roméo Bidossessi DAH-FONTON , Cinéaste , conteur – Bénin
“Le conte, ce n’est pas forcément pour divertir, mais également pour instruire. Le défi majeur pour un conteur, c’est d’arriver peut être à apporter des solutions idoines aux problèmes de son temps, de sa génération.”
Oladikpikpo Afdal TCHOUBADE, Conteur – Bénin
Les contes et légendes africains sont des archives vivantes, où se mêlent morale, humour et savoir-faire social. Du mythe fondateur à la fable animalière, chaque récit est une leçon codée, un miroir où se lisent les forces et les failles d’une communauté. Pour les conteurs professionnels d’aujourd’hui, l’enjeu est double : préserver l’authenticité des récits tout en trouvant la bonne fréquence pour parler à des publics connectés, pressés, et parfois éloignés de leurs racines.
“Je trouve que c’est une très belle initiative parce que ça nous permet de retourner dans le passé et de nous remettre dans le mouvement. Dans ces moments de partage, il fallait qu’on ait des histoires de sagesse, des proverbes pour les contes.”
Kobamidé José Adéyêmi VINAWAMON, Comédien, conteur – Bénin
”Les Contes, la nuit des contes en particulier nous aide à sauvegarder ce patrimoine et ça aide à garder l’oralité. Parce que le verbe, la parole, c’est ça qui compte. Malgré tout, quand on est accroché à nos écrans, on ne peut pas s’exprimer normalement comme cela se doit. Donc ces rendez- vous de nuit de conte , nous permettent de mieux nous exprimer, d’exprimer des émotions.
JOSEPH AHOUANDJINOU , Ambassadeur de Mémoires d’Afrique – Bénin
Sur scène, dans les écoles, sur Internet ou conservés dans des enregistrements, les contes continuent de circuler. Retravaillés pour parler aux diasporas ou tissés entre récits anciens et écritures modernes, ils préservent un fragment essentiel de la mémoire collective. Selon plusieurs observateurs, arrêter de les transmettre, c’est condamner à l’oubli une partie de l’histoire africaine.
