Les trois régions septentrionales du Cameroun restent caractérisées par un niveau élevé d’analphabétisme de la jeune fille, incompatible avec les objectifs de développement humain. Dans cette partie du pays, ce problème se caractérise par un niveau élevé de jeunes filles qui ne vont pas à l’école ou qui interrompent leur étude lorsqu’elles atteignent l’âge de 15 ans. Mariage précoce, pauvreté et inconscience des parents sont les principaux facteurs liés à la déscolarisation de la jeune fille. Entre 2021 et 2022, il y a eu des améliorations grâce aux efforts des Organisations non-gouvernementales et du Gouvernement camerounais.
Au Cameroun, les mariages précoces restent une triste réalité. Dans ce pays d’Afrique centrale 11,4 % des jeunes filles seraient mariées avant leur 15e anniversaire, selon une enquête réalisée en 2014 par l’Institut national de la statistique et le ministère de la santé publique. Une situation principalement dû au faible taux de scolarisation des jeunes filles, notamment en milieu rural. Dans le septentrion, classé zone prioritaire en matière d’éducation, les chiffres sont plus élevés encore : 20,3 % dans l’Adamaoua, 24,2 % dans la région du Nord et 18,8 % dans l’Extrême-Nord. Ceci malgré les efforts déployés par les autorités pour garantir l’accès universelle à l’éducation.
Ça reste une préoccupation l’éducation de manière générale dans la partie septentrionale du Cameroun, vous êtes sans ignorer qu’au moins deux régions de la partie septentrionale figure dans la zone classe d’éducation prioritaire au Cameroun spécifiquement à ce qui concerne l’éducation de la jeune fille, le problème est plus accentué par ce que vous savez nous somme dans un environnement qui a ses réalités. C’est un contexte un peu particulier, ça entraîne un certain nombre de contingences culturelles, un certain nombre de problèmes sociaux.
ISHAGA DAOUDA, Elite du grand Nord, Cameroun
L’école, entre mythe et réalité bouleversante, la jeune fille se trouve au cœur des dilemmes sociaux. Très jeune, elle paye les lourds frais d’une civilisation en ballottage entre la vision d’antan qui n’envisage l’avenir de la fille que derrière un bon mariage, et les exigences du développement qui s’appuient sur la parité hommes / femmes, l’égalité des chances et l’équité, donnant ainsi la possibilité à cette dernière d’envisager autrement son destin avant de faire le choix du mariage.
L’éducation de la jeune fille de l’Adamaoua a connu un grand retard qui est en train d’être rattrapé au fil des ans et face à cette situation, nous voulons donc interpeller les familles, les sensibiliser sur le bien fondé d’éduquer une jeune fille.
Mme Rougayatou ASTADJOULDE Epse Issa, Sénateur, Cameroun
Dans ces régions où la tradition est omniprésente, le mariage est considéré comme un accomplissement. Ainsi, dès le bas âge, le destin de la jeune fille semble déjà scellé, puisque dans l’imaginaire, son avenir est forcément lié à celui d’un homme au détriment de ses ambitions et objectifs personnels. Ainsi, sous le poids de la tradition, certaines jeunes filles se sont vues contraintes d’abandonner l’école pour convoler en juste noces. C’est le cas de la jeune Nene AMINATOU, mariée de force à son quinzième anniversaire.
Je suis partie en mariage très tôt. Je me souviens qu’à l’époque, je passais en classe de 4ème et pendant les vacances, je suis rentrée dans mon village pour assister mes parents dans les travaux champêtres. C’est à ce moment que mes parents m’ont parlé pour la première fois de mariage. Je leur ai fait comprendre que je n’étais pas intéressée. Pour moi, la priorité était de poursuivre mes études pour devenir une journaliste. Seulement malgré mes arguments et ma réticence, mes parents m’ont fait comprendre que le mariage, c’est le plus important. A 15 ans, j’ai été marié. J’ai eu des enfants, et au bout de 8 ans de mariage, j’ai réussi à me libérer de ce mariage.
NENE AMINATOU, Victime de mariage précoce, Cameroun
Pour nombre de parents dans le septentrion camerounais, il n’est pas nécessaire d’investir sa fortune pour la scolarisation d’une fille, car savoir faire la cuisine, le ménage et du bricolage domestique, ainsi que l’obéissance à son mari constituent les fondamentaux pour la réussite d’un ménage.
Je peux dire dans un premier temps le gros problème, ce sont les us et coutumes qui font que la femme est juste bonne pour le ménage. Cela se traduit dans tous ce que nous faisons au quotidien et se sont les jeunes filles qui en pâtissent le plus.
Mme LAOUBAOU NDOKONDJI Epse OUSMANOU, Membre de la société civile
Pour un développement harmonieux et efficace, les experts estiment que les parents ne devraient pas envisager la question de l’avenir du jeune garçon au détriment de celui de la jeune fille.
A notre observation, ces filles semblent même être très souvent plus intelligentes et plus engagées à faire l’école que les garçons aujourd’hui dans notre environnement et il faudra donc que nous les accompagnons,que nous les encourageons effectivement à aller à l’école.
ISHAGA DAOUDA, Elite du grand Nord, Cameroun
Pour ceux qui semblent favorables à l’idée de laisser la fille étudier comme le jeune garçon, le dilemme arrive très vite lorsque l’enfant atteint l’âge de la puberté. Selon une étude menée en 2014 par l’Institut du Sahel et l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes, les « normes traditionnelles » sont mentionnées comme étant la cause principale des mariages précoces et forcés : 89 % des personnes interrogées estiment même que “les femmes ne doivent pas avoir leurs premières règles sous le toit de leurs parents, mais chez leur époux”
“Quand mes parents m’ont contrainte d’aller en mariage et d’abandonner mes études, j’ai eu du mal à les comprendre. Car à cet âge, je ne connaissais pas ce qu’on appelle : le mariage. Je n’étais pas une fille désordonnée, alors pourquoi me marier ? Je ne comprenais rien. Et lorsque j’ai demandé à mes parents avec insistance les raisons de ce mariage, ils m’ont simplement répondu : tu es musulmane, et c’est à cet âge que tu dois partir en mariage.”
NENE AMINATOU, Victime du mariage précoce, Cameroun
Pour pallier le problème, permettre à plus de filles de retrouver le chemin de l’école, les autorités locales multiplient les initiatives, c’est le cas ici à Ngaoundéré, où, le Lamido a fait de la lutte contre les mariages précoces, l’une des priorités de son règne.
Ici au lamidat de Ngaoundéré, nous savons que le mariage précoce c’est d’envoyer les jeunes filles en mariage avant 18 ans. Car avant cet âge, elles ne sont pas réellement conscientes, elles ne savent pas où elles vont, ni ce qu’elles feront une fois arrivées là-bas. Pour pallier le problème, le Lamido de Ngaoundéré, depuis son accession au trône, il a fait de lutte contre le mariage précoce, l’éducation et la scolarisation de la jeune fille, l’une de ses priorités. Accompagné de ses oulemanes et des Imams, il a ainsi multiplié les rencontres et les voyages dans son territoire de commandement pour interdire et sensibiliser les parents sur le danger que représentent le mariage précoce des filles et sur les avantages de la scolarisation de la jeunes filles.
SARKI RAPPI, Ministre au lamidat de Ngaoundéré, Cameroun
Au Cameroun, 70% des femmes âgées de 15-49 ans sont alphabétisées, selon une étude de l’institut national de la statistique (INS) publiée en 2020. L’étude de l’INS, révèle également que les trois régions septentrionales du pays présentent les niveaux d’instruction les plus bas. En effet, le pourcentage de personnes qui n’ont aucun niveau d’instruction est de 56 % chez les femmes. Entre sensibilisation des parents, ouverture de nouveaux établissements scolaires et gratuité de l’école primaire dans le secteur public, le gouvernement camerounais multiplie les initiatives pour une meilleure scolarisation de la jeune fille. Dans la région de l’Adamaoua, des améliorations sont perceptibles.
Par rapport aux années antérieures ou les filles étaient minoritaires, je puis vous dire aujourd’hui que les filles sont majoritaires dans les salles de classes, parce que nous avons dans cette région un total de 369 960 élèves, dont 208 378 filles contre 186 007 garçons. Vous voyez donc que les chiffres sont vraiment distants et que les filles sont majoritaires. C’est pour dire que la communauté éducative de l’Adamaoua mise encore plus sur les filles aujourd’hui par rapport à l’éducation.
ONDOUA NTCHENY Jean Noel, Délégué Régional Education de Base, Cameroun
Estimées à plusieurs millions, ces filles victimes de sous scolarisation font face à de nombreux problèmes qui les empêchent de suivre librement les enseignements. Notamment les grossesses et les mariages précoces on cite également le manque de moyen financier. Sans oublier la crise sécuritaire due à l’action de la secte Boko Haram qui a beaucoup contribué à la déscolarisation de celles-ci. Au lamidat de Ngaoundéré dans de la région de l’Adamaoua, beaucoup de choses ont été faites par le monarque pour améliorer la scolarisation des filles.
Pour ceux qui ne respectent pas les principes du lamido, il y a des sanctions. Il va sanctionner les chefs de village ou les chefs de quartiers. Vous constaterez que depuis que Sa Majesté le lamido de Ngaoundéré, Mohamadou Hayatou Issa a accédé au trône, le pourcentage de filles a augmenté dans nos établissements scolaires et universitaires.
SARKI RAPPI, Ministre au lamidat de Ngaoundéré, Cameroun
Les pouvoirs publics et les ONG œuvrant pour la promotion et la protection des droits de la jeune fille en sont conscients. Sur le terrain, ces derniers ne cessent de sensibiliser sur l’importance de l’éducation, notamment celle de la jeune fille. C’est le cas dans le département de la Vina ou le préfet Yves Bertrand AWOUNFACK appelle les parents a une prise de conscience.
Nous avons toujours dit encourager la jeune fille a aller a l’école aujourd’hui, sur trois sénateurs que nous avons dans le département deux sont des valeureuses femmes y’a t’il meilleur encouragement pour la jeune fille qui devrait à travers celles-ci comprendre qu’elle aussi devrait aller a l’école pour occuper demain ces places de choix qui sont occupées aujourd’hui par ces deux charmante et valeureuse dames.
Yves Bertrand AWOUNFACK, Préfet du département de la Vina, Cameroun
Celles qui arrivent à percer, se sont des filles très intelligentes, très éveillées, très épanouies dans les milieux où elles se retrouvent. Ce sont des filles qui ne passent jamais inaperçues. Ce sont des mères modèles, et je peux dire parce qu’en termes d’éducation de leurs enfants elles ne badinent pas.
Mme LAOUBAOU NDOKONDJI Epse OUSMANOU, Membre de la société Civile, Cameroun
Pour faire de la jeune fille une actrice de développement de 1er plan du Cameroun, les experts s’accordent sur une meilleure l’implication des autorités traditionnelles dans la promotion de l’éducation et surtout celle de la jeune fille. Pour y arriver, il convient également de vaincre les pesanteurs de la pauvreté et le poids des pratiques culturelles, notamment dans certaines localités, où, pour rembourser une dette, les petites filles sont données en mariage en contrepartie. La loi camerounaise prévoit jusqu’à 10 ans d’emprisonnement contre toute personne qui contraint au mariage une fille de moins de 18 ans