Au Sénégal, la réflexion sur la souveraineté monétaire a été relancée par le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, lors de la commémoration du centenaire de la naissance de Frantz Fanon tenue à Dakar le 17 décembre 2025. Selon le chef du gouvernement, la réforme de l’ÉCO demeure largement symbolique et ne constitue pas une rupture réelle avec le franc CFA. Estimant que la monnaie est avant tout un instrument de pouvoir politique et de souveraineté, il a appelé les dirigeants africains à dépasser les réformes de façade et à assumer des choix plus audacieux, dans la droite ligne de la pensée de Frantz Fanon.
Lors du Colloque international du centenaire de Frantz Fanon, qui s’est tenu à Dakar ce 17 décembre, le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a souligné le rôle crucial de la souveraineté monétaire dans l’émancipation de l’Afrique. Dans cette allocution aux fortes résonances idéologiques et historiques, il a affirmé que l’émancipation de l’Afrique est tributaire de sa souveraineté monétaire. Selon lui, la dignité des peuples africains ne saurait être atteinte sans une maîtrise complète de leurs choix économiques.
“Aucune dignité n’est possible sans souveraineté économique et aucune souveraineté économique n’est possible sans souveraineté monétaire. Ce n’est pas une équation théorique, c’est la condition matérielle que Fanon appelait déjà de ses vœux. Le franc CFA fut un instrument, un instrument de stabilité, dit-on., mais surtout un instrument de contrôle, un outil conçu pour prolonger sous un verdi de coopération les réflexes de tutelle que de dépendance, il a structuré nos politiques publiques, contré nos stratégies, corseté nos ambitions, limité nos marges de manoeuvre et plus profondément, il a façonné nos imaginaires économiques. Il a installé l’idée qu’une monnaie africaine autonome serait un risque, un pari voire même un luxe.
Ousmane Sonko, Premier ministre – Sénégal
Revenant sur l’héritage du franc CFA, Ousmane Sonko y voit un outil de contrôle, et non de stabilité. Le Premier ministre affirme qu’il a « corseté » les stratégies, contraint les politiques publiques des pays de la zone et, plus largement, figé leurs imaginaires économiques.
La réforme inachevée de l’Éco en est une autre.Une réforme annoncée pour tourner la page du CFA, mais qui, dans sa forme actuelle n’aura véritablement avec le symbole pas encore avec la structure. Nous devons le dire avec franchise, changer de nom sans changer de logique, n’est pas une révolution. C’est un rebranding de la dépendance. La bataille pour la monnaie africaine reste un front majeur, un front politique certes, mais aussi un front culturel et psychologique. Car une monnaie ce n’est pas seulement un papier ou du code numérique, c’est la matérialisation du pouvoir d’un peuple, la capacité à décider pour lui même. “
Ousmane Sonko, Premier ministre – Sénégal
Par cette prise de position, Ousmane Sonko prolonge l’appel du militant anticolonialiste martiniquais Frantz Fanon décédé en 1961 à Washington. Il défend l’idée que seule une décolonisation totale des structures économiques permettra à l’Afrique d’accéder à l’indépendance véritable. Toutefois, le Sénégal devra s’accorder avec ses pays pairs de l’UEMOA sur la question de la sortie du franc CFA ou de l’évolution drastique de cette monnaie qui existe, sous différents noms successifs, depuis 1945.
