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African Union Journal – l’Interview : Jean-Claude Brou, Président de la Commission de la CEDEAO

Jean Claude KASSI BROU, Président de la Commission de la CEDEAO, organisation qui regroupe 15 états dont des puissances économiques comme la Côte d’Ivoire et le Nigeria est notre invité de cette édition spéciale du 35ème sommet de l’Union Africaine. Il partage sa vision sur les enjeux de sécurité, de transition démocratique, du développement du continent et les enjeux géostratégiques dans la perspective du sommet Europe-Afrique 2022.

1. Vous êtes le Président en exercice de la CEDEAO dont un des membres le Sénégal assure la présidence en Exercice 2022 de l’Union Africaine. Que symbolise cette responsabilité pour vous, la CEDEAO ?

Effectivement, nous sommes à la 35ème session de la Conférence de l’Union Africaine et le Président du Sénégal Macky Sall a pris les règnes en remplacement du président Félix Tshisekedi de la République démocratique du Congo. Evidemment nous en sommes honorés, nous sommes très fiers, et il a fait un discours où il a exposé sa vision mettant notamment le rôle sur la paix , la sécurité , la stabilité du continent, en indiquant clairement qu’il allait œuvrer pour le développement social et économique du continent, mettant en avant le fait que le continent avait des potentialités importantes, des potentialités énormes, que ce soit dans l’agriculture, dans les mines, dans le potentiel industriel, et qu’il fallait mettre tout ça en valeur pour que ça puisse bénéficier aux populations africaines. Bien entendu, il n ‘a pas oublié la Covid-19, l’importance de lutter contre cette pandémie, et surtout en mettant l’accent sur la production de médicaments au niveau continental, et les produits pharmaceutiques particulièrement, la production des vaccins sur notre continent. Ce sont des enjeux importants, et nous pensons que le président Macky Sall qui a déjà bien lancé ce processus depuis hier va pouvoir conduire cette année sur le continent pour des lendemains meilleurs.

2. Au Burkina Faso, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Mali, quatre pays de votre organisation, la transition démocratique en Afrique vient de subir l’épreuve des Coups d’Etats. Comment expliquez-vous une telle situation ? Quelles sont les solutions face à ce nouveau challenge de l’évolution institutionnelle et du modèle de transition démocratique dans nos pays ?

Premièrement, en Guinée-Bissau, il y a eu une tentative de coup d’Etat qui n’a pas réussi. Donc c’est important de l’indiquer. Deuxièmement, je voudrais souligner qu’ici lors de cette conférence de l’Union africaine, les Coups d’Etat militaires ont été fortement condamnés. Il faut qu’on tienne compte du fait que le progrès économique et social ne peut se faire que dans des processus démocratiques. C’est le peuple, ce sont les populations qui doivent choisir leurs dirigeants librement, et ce sont ces dirigeants qui doivent mettre en œuvre les différents programmes. Donc les Coups d’Etat militaires, c’est une régression. Le continent a connu l’époque des Coups d’Etats militaires dans les années 70, 80 et c’était une expérience malheureuse qui a créé beaucoup de problèmes. C’est pour ça qu’au niveau continental et mondial, on est revenu à la notion que ce sont des processus démocratiques qui peuvent assurer des progrès. Dans un régime démocratique où le peuple a choisi ses dirigeants, il peut y avoir des difficultés. Il faut les régler. Il faut régler les problèmes qui se posent. On ne dit pas qu’il ne peut pas avoir des problèmes. Il peut avoir des problèmes de gouvernance. Mais il faut les régler avec des mécanismes qui ont été mis en place, et qui doivent fonctionner pour régler ces problèmes. C’est vrai qu’au niveau de la région CEDEAO, au niveau de l’Afrique de l’Ouest, depuis plusieurs années nous faisons face à de nombreuses pressions terroristes, qui ont créé beaucoup de difficultés dans certains pays. Vous avez mentionné le Mali, le Burkina, le Niger, la partie Nord-Est du Nigéria qui souffrent d’une recrudescence de l’activité terroriste qui proviennent de la déstabilisation de la Libye. C’est depuis la déstabilisation de la Libye en 2011, que le terrorisme a été vraiment un fléau dans notre continent. Cela crée une contrainte majeure pour les dirigeants qui doivent en plus des efforts du développement économique et social, faire face à des difficultés en matière de lutte contre le terrorisme. Mais ça ne justifie pas des coups d’État. La lutte contre le tourisme doit être intégrée dans les programmes des pays membres. Au niveau régional, il y a une architecture qui apporte un accompagnement aux différents pays pour lutter contre le terrorisme, et donc il faut en tenir compte. Il faut lutter efficacement, mais ça ne justifie en aucun cas un coup d’Etat militaire et du reste, le fait qu’il y a un coup d’Etat militaire ne règle pas le problème. Au contraire, ça le complique. Pourquoi ? D’abord, parce que le pays a moins de capacité de ressources pour faire face à ces attaques. Deuxièmement, la lutte contre le terrorisme coûte cher. La demande de ressources financières est importante. Quand il y a moins de ressources par les soutiens qui baissent, cela complique la tâche pour pouvoir lutter efficacement contre le terrorisme. On condamne ces Coups d’États en tant que communauté, et les décisions qui sont prises, c’est d’aider à ce qu’on obtienne rapidement un retour dans l’ordre constitutionnel. C’est ce que nous faisons dans tous les pays, que ce soit au Mali, au Burkina ou en Guinée. Cela passe par la remise de la décision du choix des dirigeants au peuple. Et c’est ça la démocratie.

3. Dans le cadre du Mali, vous avez pris des sanctions inédites, de fermetures de frontières, de refus de transaction bancaire, de sanctions contre les dirigeants. Or de l’avis de tous, c’est avant tout la population malienne que vous devez protéger qui est la plus pénalisée par cette situation. Pourquoi de telles mesures et ne prenez-vous pas un risque de radicalisation allant jusqu’à la sortie du Mali de la CEDEAO ? Comment comptez-vous renouer le dialogue avec les autorités de transition ? La population malienne semble se radicaliser contre vos décisions, quel message souhaitez vous donner aux Maliens ?

Je pense que quand on parle de transition, vous avez pris le cas du Mali où la CEDEAO a imposé des sanctions ; en général, quand il y a une situation de rupture de l’ordre constitutionnel dans un pays, on n’aime pas imposer des sanctions. On passe d’abord par un processus de médiation de dialogue. Au-delà de cette procédure, c’est quand il n’y a pas de progrès que les sanctions sont appliquées. Et ces sanctions sont appliquées de manière graduelle. Si vous prenez le cas du Mali, après le Coup d’Etat en août 2020, il y avait eu des sanctions. Mais lorsque nous nous sommes mis d’accord sur le calendrier et le programme de la transition notamment en septembre 2015, les sanctions ont été levées. C’est lorsque à partir du deuxième coup d’Etat du 24 mai 2021, que les autorités se sont engagées dans un processus de ne pas vouloir respecter le calendrier pour les élections qu’ils avaient accepté le 15 septembre 2020 à Accra. On a d’abord attiré leur attention. Le médiateur, l’ancien président de la République fédérale du Nigeria Goodluck Jonathan, est parti à plusieurs pour attirer leur attention sur le fait que la voie qu’il suivait n’allait pas leur permettre de respecter le calendrier des élections qui devait se tenir en principe à la fin du mois de février 2022. C’est à partir du mois de novembre que la CEDEAO a pris des sanctions ciblées. Début décembre, lors du sommet ordinaire le 12 décembre à Abuja, la CEDEAO a encore constaté qu’il n’y avait pas de progrès. Fin décembre, les autorités de la transition maliennes donnent un chronogramme d’une extension de cinq années après avoir passé 18 mois. Même un président démocratiquement élu ne passe pas autant de temps. La CEDEAO a trouvé que c’était inacceptable. Malgré cela, la CEDEAO a envoyé un médiateur à Bamako, pour expliquer aux autorités de la transition que ce calendrier de 5 ans d’extension n’était pas acceptable. Le 08 janvier 2022, les autorités de la transition amènent un autre calendrier pour une extension de quatre années, ce qui est totalement inacceptable et irréaliste. C’est anti-démocratique, ça prive le peuple du choix de ses dirigeants pendant presque 6 ans. C’est pour cela que le 9 janvier 2022, lors d’un sommet extraordinaire, la CEDEAO a imposé les sanctions économiques et financières qu’elle avait annoncées depuis novembre 2021. Les sanctions qui sont actuellement imposées, c’est la responsabilité des autorités de la transition. Elles sont responsables, et ce sont elles qui ont créé cette situation. Le peuple doit leur demander des comptes. Premièrement, pourquoi elles n’ont pas respecté le calendrier qu’elles avaient accepté, et deuxièmement comment on peut proposer un calendrier de quatre années en plus des 18 mois. Donc toute la responsabilité, ce sont les autorités de la transition malienne. C’est cela que lors de son dernier sommet, la CEDEAO a dit clairement qu’elle attend un chronogramme raisonnable des autorités de la transition pour lever les sanctions. Aujourd’hui, nous sommes dans cette situation. Ceux qui sont responsables de ces sanctions, ce sont les autorités de la transition malienne. Donc c’est à eux de créer les conditions pour que les sanctions soient levées. Au niveau de la communauté, nous sommes disposés à travailler avec les autorités de la transition malienne pour les accompagner pour un retour dans l’ordre constitutionnel. On ne peut pas rester dans cette situation où il n’y a pas de régime démocratique. C’est contraire aux principes de la CEDEAO tels que inscrits dans le protocole des principes de la démocratie et la bonne gouvernance. Protocole qui a été signé et ratifié par le Mali. Et je voudrais rappeler et signaler que la CEDEAO à imposer plusieurs sanctions dans d’autres pays notamment la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Burkina Faso, le Niger… Il y a eu des sanctions quand il y a eu rupture de l’ordre constitutionnel, donc, ce n’est pas la première fois. Et chaque, quand les autorités reviennent à des propositions qui sont réalistes, qui sont acceptables, la CEDEAO lève les sanctions. Donc encore une fois, je vais insister et appelé, comme cela a été pendant le sommet, les autorités de la transition malienne à prendre des mesures et proposer un chronogramme réaliste et raisonnable pour que l’on puisse lever les sanctions…. Je les invite également à œuvrer et à travailler pour que le Mali qui est un pays important pour notre communauté retrouve la place qui est la sienne comme ce fut le cas dans le passé.

4 – La question de la sécurité est cruciale pour les Etats membres de la CEDEAO. Avec le terrorisme et le piratage maritime qui déstabilise la majorité des pays du Sahel. On a le Niger, le Burkina Faso, le Mali… Quelles sont vos mesures pour empêcher les Etats de vaciller ? Y a t’il une réponse alternative de négociation autre la guerre contre les Djihadistes?

Je crois qu’il faut être claire. On ne négocie pas avec les terroristes, parce que les terroristes attaquent l’Etat, ils affaiblissent les systèmes publics et cela a pour conséquence, des décès pas seulement militaires, mais aussi civils. Les enfants ne peuvent plus aller à l’école, car ses dernières sont fermées. Il y a des déplacés internes, dans certains pays, ce sont les fermiers qui ne peuvent plus cultiver la terre. Le terrorisme créé une instabilité institutionnelle, économique et sociale. Et les populations qui sont souvent utilisées par les terroristes… Car les terroristes essaient de mettre les communautés, les ethnies en conflits pour créer justement une situation de lutte entre les différentes communautés. Donc on ne négocie pas avec les terroristes, il faut vraiment lutter, s’organiser efficacement, mais cette organisation doit d’abord se faire au niveau national, mais il doit y avoir une coordination régionale. Et au niveau de la CEDEAO, nous avons notre plan régional de lutte contre le terrorisme qui est en application et soutient les pays membres. Nous avons des initiatives à l’exemple de celle d’Accra qui essaye de coordonner l’action de lutte contre le terrorisme au niveau de certains pays. Nous avons également des mécanismes qui permettent aux pays de lutter le long des frontières, justement, pour sécuriser et empêcher les infiltrations de terroristes entre les pays. Donc il y a plusieurs mécanismes qui sont en place, mais la lutte est nationale, elle est régionale. Et nous bénéficions également de l’appui de certains partenaires au niveau international qui viennent nous apporter leur soutien dans la lutte contre le terrorisme. Sur le plan de la lutte contre la piraterie maritime, c’est la même chose. La Piraterie maritime crée de l’incertitude, elle affecte également l’approvisionnement des différents pays, puisqu’elle attaque les bateaux qui arrivent et cela contribue au renchérissement des produits qui rentrent dans les pays et cela crée une ambiance de peur et d’instabilité. La lutte encore une fois pour qu’elle soit efficace, elle ne pas seulement se faire au niveau national, parce que le long du Golfe de Guinée, c’est l’ensemble des pays du Golfe de Guinée qui sont affectés. Au niveau de la CEDEAO, nous avons un mécanisme régional, nous avons des centres qui sont installés le long des différents corridors de ces différents pays. Mais la piraterie s’étend jusqu’en Afrique centrale. C’est la raison pour laquelle en 2018, il y a eu cette conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO et de la CEEAC pour justement régler et apporter des solutions conjointes à la lutte contre la piraterie maritime. Il y a des résultats positifs. Nous avons observé une baisse des attaques et nous allons continuer à coordonner nos efforts pour justement faire baisser ces attaques qui affectent non seulement le secteur économique, mais aussi le secteur social.

5. Le sommet Union Africaine – Union européenne 2022 arrive à une période charnière de la relation de l’Afrique avec l’Europe et plus particulièrement de la CEDEAO. Quelles sont vos attentes sur le plan politique ; économique, et social… ?

Je pense qu’entre l’Afrique et l’Union européenne, évidemment, ce sont des relations qui sont historiques. Nous avons un partenariat qui est riche, dense, et qui existe depuis de nombreuses années. Je pense que ce sommet va permettre d’abord de faire le point de notre coopération, de voir quelles ont été les forces et bien sûr les points sur lesquels nous devons mettre un accent. Je crois qu’il y a des sujets importants qui doivent être évoqués. Pour la CEDEAO par exemple, c’est en particulier la Covid-19, parce que malgré tous les efforts qui sont faits, nous avons encore du mal au niveau de la région à avoir suffisamment de vaccins pour vacciner nos populations. Alors si en Europe, ils ont atteint des taux de vaccination très élevé, en Afrique en général et cela a été bien indiqué lors du 35ème Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement, mais à la CEDEAO en particulier nous avons encore un taux de vaccination assez faible pour les populations qui ont reçu les deux doses. La question de la sécurité, on en a beaucoup parlé, pour nous, c’est essentiel, donc je crois qu’elle sera au menu des échanges. Il y a aussi la question globale du développement économique et social… Parce que vous savez l’un des meilleurs moyens pour lutter efficacement contre le terrorisme, c’est : le développement économique, l’éducation, la santé et les infrastructures. Plus nous avançons dans ces domaines, moins il y a de chance pour les terroristes de pouvoir s’incruster, c’est aussi ça la difficulté. Je crois que ce sont des sujets qui vont être abordés, mais évidemment dans l’intérêt commun des deux parties. Comme je l’ai dit, la CEDEAO en particulier et l’Union européenne ont des relations qui datent de très très loin. Nous avons un partenariat riche et dense et ce n’est pas seulement la CEDEAO, mais toute l’Afrique. Je crois que c’est l’occasion de faire le point et de porter notre coopération à un niveau plus haut. 

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