Reportage – Afrique : réparations pour l’esclavage et le colonialisme

À Londres, là où le combat panafricain est né il y a 125 ans, une conférence historique vient de se tenir, portée par le Togo et l’Union africaine. Elle remet sur la table une question longtemps ignorée : celle des réparations. Une étape clé avant le prochain Congrès panafricain prévu en décembre à Lomé. 

Londres, avril 2025. 125 ans après le tout premier Congrès panafricain de 1900, la capitale britannique a accueilli à nouveau les voix du continent et de sa diaspora. Cette fois, c’est le Togo, en partenariat avec l’Union africaine,  qui a convoqué l’Histoire… un regard sur le passé pour mieux parler du futur.


Un futur africain. Un futur afrodescendant. Un futur de justice, de devoir et de mémoire.
Organisée les 8 et 9 avril 2025 sous le thème « Pan-Africanism and Dialogue on Réparations », cette conférence a été bien plus qu’un événement symbolique. Elle est le prélude à une rencontre continentale majeure : le 9e Congrès panafricain, prévu en décembre prochain à Lomé, au Togo. Un rendez-vous politique et intellectuel qui ambitionne de repositionner l’Afrique au centre de ses propres récits. Un événement en préparation qui fait déjà la fierté du ministre togolais des affaires étrangères. 

Je ne sais pas si vous connaissez Lomé. C’est la meilleure capitale d’Afrique, capitale du Togo évidemment. Je vous invite tous à venir. Qu’ils viennent d’Amérique du Nord, du Sud, des Caraïbes, ou d’Afrique, la question de la réparation réside  aujourd’hui au cœur des demandes de ces peuples déportés, réduits à l’état d’esclave puis colonisés. Nous avons besoin d’un dialogue, un dialogue pour notre dignité. 

Robert Dussey, Ministre des Affaires étrangères du Togo

C’est en 1900, ici même à Londres, que des figures comme Henry Sylvester-Williams ou W.E.B. Du Bois ont tenu le tout premier Congrès panafricain. À l’époque, les objectifs étaient clairs : dénoncer la colonisation, affirmer l’unité des peuples noirs et exiger cette même dignité. 125 ans plus tard, l’espoir est toujours le mot d’ordre. 

Il y a une chose qui me donne de l’espoir. C’est que la jeunesse africaine et de la diaspora rejettent la narrative du passé. Elle s’interroge sur l’hégémonie du capitalisme occidental, la suprématie blanche qui est instrumentalisée pour définir les relations politiques et sociales au sein même des pays dans lesquels ils se trouvent et de manière générale autour du monde. Ils se voient comme des agents du changement.   

Augustine John , HistorienGrenade

Des agents du changement, des combattants de la liberté d’une lutte qui aujourd’hui, 125 ans plus tard, continue. Mais avec de nouveaux outils, de nouveaux terrains. L’espoir ouvre la marche, la réparation trace le cap. Et cet objectif porte un nom : celui de la réparation. Pas uniquement financière. Mais aussi mémorielle, politique et  culturelle. Selon l’UNESCO, plus de 12,5 millions d’Africains ont été déportés pendant la traite négrière transatlantique. Les séquelles de l’esclavage et de la colonisation marquent encore le quotidien de millions de personnes. Sur le continent comme dans la diaspora.

Les enjeux majeurs du panafricanisme aujourd’hui s’imposent. Parce que nous sommes à Londres, nous célébrons 125 ans, issue de la première rencontre de Londres sur le panafricanisme, sur le mouvement créé par nos prédécesseurs. Mais entre vous et moi qui sommes africains, les enjeux sont les mêmes. Il y a 125 ans c’est vrai qu’on parlait plus de l’identité, de la race, c’est pas un mot que j’aime utiliser, la lutte contre le racisme. Mais quand on voit le sort des peuples africains, après 125 ans, il me semble qu’il n’y a pas eu un très grand changement. Je reconnais qu’il y a un changement, je reconnais qu’aujourd’hui les africains peuvent occuper des postes qu’ils ne pouvaient pas occuper des positions qu’ils ne pouvaient pas occuper il y a 125 ans. Mais dans le fond, le problème reste le même.

Robert Dussey, Ministre des Affaires étrangères du Togo

Le problème reste, mais les solutions se découvrent. L’Union africaine a mis en place un Comité sur les réparations, chargé de porter cette revendication auprès des anciennes puissances coloniales.
La CARICOM, dans les Caraïbes, a elle aussi adopté une stratégie en dix points pour réclamer réparations et excuses officielles. Et en Afrique, plusieurs pays, dont le Ghana, le Bénin ou encore le Sénégal, multiplient les projets de mémoire et de retour des diasporas.


C’est dans ce contexte que la question afrodescendante prend une place centrale. Le film “Fanon”, actuellement diffusé en salle en France et dans d’autres pays, en est un exemple. Il remet au cœur du débat les luttes anticoloniales, les traumas, mais aussi l’espoir porté par la jeunesse noire.

Ce fut sous l’initiative de William Dubois que fut créé le premier congrès panafricain, “L’appel à la fin du colonialisme, du racisme institutionnel et l’amélioration des conditions de vie des africains et afrodescendants”. Depuis, les congrès de 1921, 1923, 1927  ont eu lieu et les demandes étaient d’abord pour une transition graduée et l’auto-gouvernance. En 1945, le congrès de Manchester était un moment pivot de l’Histoire avec un appel direct pour la décolonisation et la souveraineté du peuple africain. Ce qui a donné lieu aux vagues d’indépendances des années 50 et 60 suivies par la création de l’Union Africaine en 1963. Ce qui a consolidé les liens entre les pays africains et la diaspora.

Robert Dussey, Ministre des Affaires étrangères du Togo


Les mots de Fanon, comme ceux d’Amílcar Cabral, de Sankara ou de Cheikh Anta Diop, résonnent aujourd’hui chez une nouvelle génération d’intellectuels, d’artistes, de militants. Sur les réseaux sociaux, dans les universités, dans les rues : le panafricanisme n’est plus une idée du passé. Il devient un langage d’avenir.


Pour le Dr Akyaaba Addai-Sebo, fondateur du Black History Month au Royaume-Uni, l’avenir du panafricanisme passe par la jeunesse. Celle qui se mobilise, celle qui se reconnecte à ses racines. Celle qui veut comprendre et transformer le récit.

C’est important que cela arrive aujourd’hui. C’est l’anniversaire du premier congrès panafricain. C’est important parce que ça a mené à la libération de l’Afrique. C’est aussi important que le Togo prenne le leadership sur cette question. Ce qui ce se passera à Lomé, donnera un rythme, qui sera suivi par la jeunesse africaine. Il est temps que la jeunesse africaine prenne le contrôle du destin de l’Afrique. C’est ce que le Togo doit représenter.  Le Togo doit galvaniser la jeunesse afin qu’elle puisse dire non à l’impérialisme, non au néocolonialisme, non à la domination de la suprématie blanche et l’exploitation de nos ressources. La jeunesse doit se lever et dire non, parce que c’était la jeunesse qui l’avait fait par le passé.

Akyaaba Addai-Sebo, Fondateur du Black History Month UK

Et cette jeunesse, elle est partout. À Accra, à Dakar, à Paris, à New York, à Brazzaville, à Kingston. Elle parle plusieurs langues, elle danse sur plusieurs rythmes, mais partage une seule et même origine. 

Quand ils nous ont volé à l’Afrique, nous avons amené notre rythme avec nous. 

Percussionniste


Le rendez-vous est pris : décembre 2025, à Lomé, le 9e Congrès panafricain réunira chefs d’États, penseurs, jeunes leaders, artistes et membres de la diaspora. Un événement majeur porté par le Togo et l’Union africaine, pour penser une Afrique souveraine, unie, réconciliée avec elle-même.

Ce rassemblement peut aider à développer le dialogue. Tout dépend de qui sont les interlocuteurs. Qui prend les décisions. Quel est le niveau de participation. C’est important mais je pense surtout qu’il faut créer une unité entre les pays africains mais aussi dans la diaspora. Ce serait un véritable pas dans la bonne direction.

Hakim Adi, HistorienNigeria 


125 ans après Londres, l’Afrique ne réclame plus sa place dans l’Histoire : elle l’écrit. Une histoire de fierté. Une histoire d’unité. Une histoire d’africanité partagée — entre les continents et les océans, entre les mémoires et les rêves.

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