Reportage – Centrafrique : relance de l’économie après la paix retrouvée

La Centrafrique reprend confiance. Après des années de turbulences, la stabilité retrouvée commence à fournir des retombées. Dans la capitale comme en province, les signes d’un renouveau économique se multiplient. Loin d’être un slogan, cette relance prend corps à travers des initiatives locales devenues de véritables modèles de réussite.

La paix et la stabilité restent les fondations de ce renouveau. Depuis plusieurs années, le gouvernement multiplie les initiatives pour consolider la sécurité et restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. Le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) a permis à des milliers d’anciens combattants de déposer les armes. La réforme des forces de défense et de sécurité, avec l’appui des partenaires internationaux, a également contribué à sécuriser les zones de production agricole, les axes routiers stratégiques et les sites miniers. Ces efforts embrassent la vision du Président Touadéra.

“Notre vision à l’horizon 2028 est celle-ci: “la République centrafricaine prospère, disposant d’un capital humain de qualité et des infrastructures résilientes et durables, fondée sur un Etat de droit plus inclusif axé sur les principes de la bonne gouvernance. Nos priorités consistent à investir davantage dans le capital humain, l’énergie, les infrastructures routières, la digitalisation, l’agriculture intelligente face aux changements climatiques et aux chocs qui creusent davantage l’écart entre les pays fragiles et les pays avancés, et la révolution énergétique.”

Faustin Archange TOUADERA, Président de la RépubliqueCentrafrique

Dans un pays où l’agriculture occupe plus de 70 % de la population active et contribue à près de 40 % du PIB, la Société de Manioc Centrafricain illustre parfaitement ce regain de dynamisme. Grâce à des unités modernes de transformation, le manioc produit localement est désormais valorisé, transformé en farine ou en cossettes. Avec une capacité de production mensuelle estimée à 6 tonnes, l’entreprise parvient à alimenter le marché local.

“Il faut comprendre que la SMCAF intervient sur toute la chaîne de mise en valeur depuis la production jusqu’au produit fini et même à la commercialisation. Donc, on accompagne des coopératives, des groupements de cultivateurs de manioc sur le plan mécanique afin de leur permettre d’avoir des capacités à produire sur de grandes échelles et nous on se repositionne derrière pour racheter justement toute la production agricole pour ensuite la faire passer dans un processus que j’avais décrit tout à l’heure, donc de transformation, encore à un niveau artisanal mais qui passera dans très bientôt, si Dieu le veut, à l’étape industrielle.” 

Joan HEREN ISSAKA, Directeur général de la Société de manioc centrafricainCentrafrique

Une initiative qui permet de réduire les importations alimentaires, qui représentent encore près de 30 % de la consommation nationale, tout en donnant une valeur ajoutée aux productions locales. Si les initiatives locales se multiplient, le climat des affaires reste un défi majeur en République centrafricaine. Les coûts de transport élevés, liés à l’enclavement du pays, et le déficit en infrastructures constituent également des freins pour les investisseurs. Mais, malgré ces obstacles, les acteurs économiques s’organisent et restent optimistes face aux difficultés quotidiennes.

“Pour relancer l’initiative privée il faut la confiance mais pour la confiance il faut, mais pour la confiance il faut travailler l’image, alors il ne faut pas communiquer une image qui est tronquée, il faut communiquer une vraie image vous y contribuez d’ailleurs. Alors, comment améliorer les choses? Par le développement des infrastructures, par la fourniture en énergie, par le dialogue entre l’État et le secteur privé. 

Laurence NASSIF, Président du Groupement interprofessionnel de CentrafriqueCentrafrique

La relance économique passe aussi par des réformes structurelles. Le gouvernement a engagé plusieurs chantiers administratifs pour simplifier la vie des entrepreneurs : guichet unique pour la création d’entreprises, allègement des procédures fiscales, amélioration du cadre juridique et incitations pour formaliser le secteur informel, qui représente encore près de 80 % de l’activité économique. Ces réformes visent à créer un environnement plus attractif pour les investisseurs et à encourager les petites entreprises locales à se développer légalement.

“C’est une réforme importante avec le Guichet unique, la réduction de cinq jours de la création d’entreprises, ce n’est pas seulement la réduction de cinq jours, mais il y a la réduction du montant initialement prévu pour la création d’entreprises. Aujourd’hui pour l’année 2025 seulement pour le premier trimestre nous avons eu 728 unités qui sont déjà mises en place et avec une prévision de 2000 emplois. ça veut dire qu’avec les réformes structurelles et juridiques, le Guichet unique apporte plus dans la création des entreprises mais aussi la réduction de la pauvreté à travers l’emploi des jeunes et des femmes.

Thierry Patrick AKOLOZA, Ministre du Commerce et de l’IndustrieCentrafrique

Ces réformes commencent déjà à porter leurs fruits, notamment dans le secteur des technologies et de l’innovation. De jeunes entrepreneurs centrafricains se lancent dans la création de start-ups, encouragés par les facilités administratives et fiscales accordées aux nouvelles entreprises. C’est le cas d’Ikouè, une start-up innovante qui illustre le potentiel de l’économie numérique en RCA et l’intérêt croissant des jeunes pour l’entrepreneuriat.

“Ikouè crée des plateformes digitales dans le but de soutenir l’emploi, l’entreprenariat et la formation en République centrafricaine et puis œuvre aussi à créer un pont entre la diaspora et le pays. On voit des initiatives qui sont prises au niveau du gouvernement par exemple il y a le Plan national de développement qui est mis en place et qui fait appel à la diaspora. Et c’est vraiment ça, ça a été déterminant pour nous de dire qu’il y a un projet de grande envergure de transformation du pays qui est mis en place, donc il faut faire passer le pays du tout humanitaire au développement économique et on demande à la diaspora de contribuer. Il y a aussi la fibre optique qui a été amorcée aussi donc ce sont tous ces signaux là qui ont déclenché il  y a bientôt 3 ans notre démarche de venir nous installer au pays.”

Pétula Lenguezial, Co-fondatrice de l’incubateur IkouèCentrafrique 

Avec l’adoption de son Plan national de développement 2024-2028, dont les besoins en financements sont évalués  à 12,8 milliards de dollars, la République centrafricaine s’est engagée sur la voie de l’émergence économique. À quelques kilomètres de Bangui, la centrale solaire de Danzi, la plus grande d’Afrique centrale, alimente désormais la capitale en énergie propre. Avec une capacité installée de 25 mégawatts, cette infrastructure couvre environ 30 % des besoins en électricité de Bangui et permet à plus de 40 000 foyers d’avoir accès à l’énergie. Une première dans le pays, qui contribue à réduire un déficit énergétique longtemps évalué à plus de 80 %. 

“Le défi aujourd’hui, c’est la demande qu’on doit satisfaire pour le moment, la demande de la ville de Bangui est estimée aujourd’hui à 200 mégawatts. Aujourd’hui, notre capacité installée tourne autour de 73 mégawatts installés. Donc en terme de déficit on a au moins 130 mégawatts à apporter sur le système interconnecté et également dans les centres de provinces on a une forte demande d’électricité également que le ministère se bat pour répondre à ces offres.”

Romuald Arnaud BANDEU LEKEGBA, Chef d’usine de la Centrale solaire de DanziCentrafrique

Danzi illustre l’importance des infrastructures modernes dans le retour de la confiance, car sans énergie, pas d’industrialisation possible. Pour accompagner cette dynamique, la Banque Africaine de Développement (BAD), présente en Centrafrique depuis 1972, multiplie ses efforts. Elle a doublé son  portefeuille afin de renforcer le financement des projets de développement dans le pays.

“A ce jour nous avons un portefeuille de 600 millions de dollars portefeuille qui a triplé en trois ans depuis 2022, depuis que je suis là qu’on a eu donc à tripler grâce au grand projet de corridor dont je viens de parler, le corridor donc qui va doter la République centrafricaine d’un autre accès à la mer. Vous savez, la République centrafricaine jusqu’à ce jour était dotée d’un seul accès à la mer et donc par le Cameroun. Donc, ce projet de corridor de l’ordre de 280 millions de dollars va permettre à la RCA d’avoir un autre accès à la mer et diversifier ses approvisionnements.”

Mamady SOUARÉ, Représentant pays de la BAD en CentrafriqueCôte d’Ivoire

Mais la Centrafrique, ce n’est pas seulement le manioc, l’artisanat ou l’énergie solaire. Le pays recèle des potentialités économiques encore largement inexploitées : 15 millions d’hectares de terres arables dont moins de 2 % sont exploités, 5,5 millions d’hectares de forêts classées, un potentiel hydroélectrique de 2 000 mégawatts et des ressources minières (or, diamant, uranium) encore faiblement valorisées. La faiblesse du capital humain s’ajoute aux freins de développement de la République centrafricaine, avec une croissance estimée à 0,15% en 2050.

“La qualité du capital humain du pays, il faut avoir le courage de le dire, reste encore faible et quand vous voulez vous développer, quand vous voulez développer un pays c’est avec les hommes, c’est avec ce capital humain qu’il faut et le capital humain reste encore relativement faible pour plusieurs raisons. Le taux d’analphabétisme est encore très élevé, 62% du taux d’analphabétisme dans le pays donc 2 centrafricains sur 3 sont analphabètes. Et vous avez encore des problèmes des enseignants dans le pays puisque un tiers des enseignants sont des enseignants qualifiés et les deux tiers restent encore ce qu’on appelle les maîtres parents lorsqu’on parle de l’enseignement primaire par exemple. L’université publique reste encore cantonnée dans la capitale Bangui alors que les jeunes qui ont le Bac qui aspirent à faire l’université et qui sont dans l’arrière pays, dans les préfectures lointaines auront du mal à venir à Bangui pour faire les études universitaires. ”

Didace Sabone, ÉconomisteCentrafrique

Du manioc transformé à la l’énergie solaire de Danzi, en passant par les réformes administratives et les arts de Bangui, c’est toute une économie qui se reconstruit. Des victoires encore fragiles, mais qui dessinent les contours d’un avenir plus stable, plus prospère et surtout porté par des solutions endogènes.

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