L’hydrogène, vecteur d’énergie, est devenu un enjeu mondial dans la course aux solutions moins émettrices de gaz à effet de serre pour le développement des économies. L’Afrique, qui abrite 65% des terres arables du continent et qui possède plusieurs sources d’énergies renouvelables, ambitionne, à travers diverses institutions de recherche comme l’Université Mohammed VI Polytechnique, de tirer parti de ce potentiel dans les applications de l’hydrogène vert.
L’hydrogène vert, produit principalement par électrolyse de l’eau à partir d’électricité de sources renouvelables, draine l’intérêt de la communauté scientifique mondiale pour ses diverses applications, dans l’intégration des énergies renouvelables au sein des réseaux électriques, ou encore dans l’agriculture. L’université marocaine Mohamed VI Polytechnique s’est associée récemment avec l’université française d’Aix-Marseille et le Centre national de la recherche scientifique pour aborder les enjeux de l’hydrogène vert en Afrique, au cours de la 13e édition des Tables Rondes de l’Arbois et de la Méditerranée, tenues les 03 et 04 mai 2023.
Pour l’agriculture, on parle d’agro-fertilisants, dans les fertilisants il y a trois grands nutriments: le N, le P, le K. Donc il y a l’azote, le phosphate et la potasse. L’azote, aujourd’hui, peut être produit d’une manière verte, à savoir à partir de l’ammoniac vert. Aujourd’hui le continent africain abrite plus de 65% des terres arables non encore utilisées. L’Afrique va être la solution pour l’enjeu de la sécurité alimentaire à l’avenir. L’avantage que nous avons, c’est que l’on va avoir une agriculture, dès le départ, avec une empreinte carbone neutre voire négative. Dans le sens où on va pouvoir stocker le carbone grâce à une agriculture durable qui utilise des intrants, des nutriments verts qui sont l’azote; le phosphate, il est vert par définition; et surtout avec des sols qui sont en très bonne santé, qui vont pouvoir séquestrer plus de carbone. Donc l’Afrique va être la solution à deux niveaux: le niveau de l’enjeu de la sécurité alimentaire et le niveau de la décarbonation au niveau mondial.
Hicham El Habti, President de l’Université Mohammed VI Polytechnique
D’après les données du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le système alimentaire mondial représenterait près d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui place l’agriculture au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique; au côtés des énergies fossiles qui, elles, représentent officiellement plus de 70% des émissions mondiales de CO2. L’hydrogène vert pourrait permettre de lever les défis de décarbonation liés aux deux secteurs.
En réalité, le CNRS travaille sur l’hydrogène depuis une trentaine d’années, avec évidemment des hauts et des bas en fonction de ce qui se passe dans le monde. Ce qui a réellement accéléré les choses ces dernières années, c’est cette nécessité de faire une transition énergétique la plus propre et la plus totale possible; et l’hydrogène s’est avéré un des vecteurs d’énergie importants. Ce n’est pas une énergie, c’est un vecteur d’énergie qui va nous permettre de faire cette transition dans les meilleures conditions.
Abdelilah Slaoui, Responsable de la cellule Energie du CNRS
La Banque européenne d’investissement, l’Alliance solaire internationale et l’Union africaine estiment que l’Afrique pourrait produire jusqu’à 50 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2035, contre 10 000 tonnes en 2022, permettant une réduction de 40% des émissions de carbone sur le continent. Avec des politiques adéquates, le continent serait en mesure d’approvisionner le marché mondial à hauteur de 25 millions de tonnes d’hydrogène vert, soit 15 % du gaz utilisé dans l’Union européenne.